La pollution bactérienne des eaux et des coquillages de l'étang de Thau - 1967

Autre(s) titre(s) Bacterial pollution of waters and shellfish of the Thau lagoon
Type Article
Date 1967-03
Langue(s) Français
Auteur(s) Fauvel Yves
Source Revue des Travaux de l'Institut des Pêches Maritimes (0035-2276) (ISTPM), 1967-03 , Vol. 31 , N. 1 , P. 5-96
Résumé L'état sanitaire de l'étang de Thau et des « huîtres de Cette » a maintes fois attiré l'attention, D'après CALVET (1910) c'est en 1875 que fut concédé le premier parc d'élevage d'huîtres, au lieu-dit « Fontaine d'Ambressac ». De 1880 à 1884, sept concessions furent accordées dans les canaux de Sète (fig. 1). Les conséquences de ces implantations dans les eaux incontestablement polluées ne tardèrent pas à se manifester par des intoxications gastro-intestinales et même par des cas de fièvre typhoïde.

Ainsi, CHANTEMESSE (1896), Mosny (1897) et MOREAU (1899) considérèrent que plusieurs petites épidémies enregistrées dans différentes régions de France avaient pour cause l'ingestion de coquillages venant de Sète. Mais cette opinion fut discutée et, dès 1897, SABATIER, PETIT et DUCAMP contestèrent la nocivité de ces mollusques; ils invoquèrent les résultats négatifs de l'examen bactériologique d'huîtres placées pendant 25 jours en face de l'embouchure d' un égout de Sète. Ce furent les nombreux cas de typhoïde signalés entre septembre 1906 et janvier 1907 qui émurent l'opinion et entraînèrent une enquête. Celle-ci, menée par Mosny et FABRE-DOMERGUE, eut pour conclusion la dépêche ministérielle du 25 janvier 1907 interdisant la stabulation des produits de la pêche dans les canaux de Sète et dans l'étang de Thau, à proximité des centres habités. A la même époque NETTER, dans une communication à l'Académie de Médecine, donnait des preuves irréfutables du danger constitué à Sète par la stabulation en eaux insalubres : 67 cas de typhoïde dont 18 mortels.

Par la suite, mais toujours en 1907, GAUCHER effectuait une série d'analyses sur les huîtres des «anciens parcs» et constatait la présence presque constante de colibacilles sans toutefois trouver le bacille d'EBERTH. Ce n'est qu'en 1913 que GIARD réussit à mettre en évidence l'agent de la typhoïde ainsi d'ailleurs que celui de fréquents empoisonnements alimentaires humains : Salmonella enteritidis.

La situation sanitaire de l'étang de Thau continuant à préoccuper les pouvoirs publics, des arrêtés ministériels et préfectoraux limitèrent l'attribution des concessions aux seuls secteurs où les eaux furent reconnues, après analyse, bactériologiquement pures.

Ces différentes mesures sanitaires n'étaient pas établies à l'encontre de produits pêchés dans l'étang, mais à celui, comme le dit CALVET, de «réserves immergées sans aucun souci de salubrité de l'emplacement choisi ». Loin de freiner la conchyliculture dans la région de Sète ces mesures allaient lui ouvrir une importante zone d'extension: l'étang lui-même. Malheureusement, et là encore faute de précautions, cette nouvelle industrie connut dès sa naissance de sérieuses difficultés.

Le 26 juin 1908 un premier établissement d'élevage et de stabulation des huîtres en bassin voyait le jour à proximité de Balaruc-les-Bains tandis que des parcs d'élevage s'installaient au large de Bouzigues et dans la crique de l'Angle. Certains de ces établissements disparaissaient dès 1913, mais ce fut surtout le 19 octobre 1922, après enquête sanitaire, qu'une décision interdit toutes les installations d'élevage placées en zones suspectes et ordonna leur transfert dans des eaux suffisamment éloignées des sources de contamination. Ce transfert ne fut total qu'en 1928.

Entre-temps, en 1926, l'Office des Pêches était désigné pour assurer le contrôle des établissements des côtes méditerranéennes. Celui-ci avait été confié jusque-là aux autorités sanitaires départementales, chargées de l'application du décret du 31 juillet 1923, ne visant que la salubrité des huîtres.

Les années suivantes, les élevages d'huîtres et de moules prenaient une extension de plus en plus grande, tout d'abord entre l'embouchure du Joncas près de Bouzigues et la pointe de Saint Félix près de Mèze, puis à partir de 1946 entre Mèze et Marseillan. En 1955, près de 230 hectares étaient exploités, ce qui correspondait à 575 concessions. En 1962, la surface concédée atteignait 234 hectares.
La création des parcs dans les zones saines de l'étang de Thau a, sur le plan de la salubrité, permis d'obtenir une large sécurité pour les coquillages de parc; mais des problèmes restaient posés: celui de la manipulation et de la livraison des produits d'élevage et celui de la pêche sur les gisements coquilliers naturels. Beaucoup de mollusques en provenance des parcs ou des zones de pêche étaient, pour les besoins de la commercialisation, trop souvent retrempés dans les canaux de Sète ou dans d'autres zones insalubres voisines d'agglomérations. De plus, de nombreux pêcheurs prirent pour habitude d'exploiter les eaux polluées riches en coquillages.

Ce fut pour éviter cette nouvelle source d'épidémie qu'une dépêche ministérielle du 30 décembre 1932 prononça l'interdiction de ramassage des coquillages dans les canaux, avant-ports, darses et bassins des ports méditerranéens. Cette décision ne fut pas appliquée sans difficultés ni protestations et une polémique s'engagea. Des prélèvements et analyses furent faits tout d'abord par TEISSONNIÈRE en 1933 et 1934, puis par LISBONNE en 1935. Ils conclurent tous à la pollution des eaux du port de Sète, ce qui confirmait les résultats obtenus par LEENHARD en novembre 1921.

Dans de telles conditions, une surveillance plus stricte devenait nécessaire. A cet effet, le décret du 20 août 1939 permit à l'Office scientifique et technique des Pêches maritimes d'étendre, à tous les coquillages, le contrôle déjà existant. Depuis ce temps plusieurs propositions de classement des eaux insalubres ont été faites mais ce n'est qu'en 1945 qu'une décision délimitant les eaux salubres et insalubres dans l'étang de Thau était prise. Cette décision, successivement modifiée et complétée en 1947 et 1951 régit. à l'heure actuelle, la pêche et la conchyliculture dans cet étang et les secteurs voisins.
La tâche que nous a donnée J'Institut des Pêches d'effectuer dans son laboratoire de Sète, à partir de 1955. la recherche systématique des pollutions dans les eaux de l'étang et dans la chair des coquillages, a facilité la surveillance de la salubrité des zones autorisées pour la pêche et l'élevage. Nous avons pu notamment déterminer un périmètre de protection des gisements naturels et des établissements conchylicoles de l'étang de Thau et interdire dans cette zone tout dépôt ou déversement susceptible de nuire à la qualité hygiénique des I:1ollusques qui y vivent. De même, ce contrôle a conduit à interdire l'expédition des produits d'élevage et de pêche lorsque des pollutions accidentelles pouvaient faire craindre la contamination de ces mollusques habituellement salubres.

Pourtant de telles mesures étaient encore insuffisantes pour une protection efficace de la santé publique. L'importance des zones insalubres et leur richesse, leur accès facile, incitaient certains pêcheurs à y travailler clandestinement et parfois même aux yeux de tous. C'est à ce nouveau problème sanitaire certes mais à incidence sociale, que devait s'attaquer l'Institut des Pêches qui lui trouva une solution par la création, en 1962, d'un bassin d'épuration des coquillages implanté à la Pointe-Courte dans un quartier de la ville de Sète voisin de l'étang.

Cette solution ne s'est pas présentée d'elle-même. L'épuration ne s'est révélée efficace qu'après plusieurs années de tâtonnements et de recherches sur les pollutions des eaux et des coquillages de l'étang de Thau. Ce sont ces recherches et leurs résultats qui font l'objet du présent travail, lequel comporte une étude :
a) des sources de pollution,
b) de leurs causes,
c) de leur conséquence sur la conchyliculture.
d) des moyens propres à les combattre.

(OCR non contrôlé)
Résumé en anglais The sanitary state of the Thau Lagoon and of "Cette oysters" has been a matter of concern for many years. According to CALVET (1910) the first oyster farm, located in the place named "Fontaine d'Ambressac", was granted in 1875. From 1880 to 1884, seven concessions were granted in the Sète canals (fig. 1). The consequences of these installations in heavily polluted waters did not take long to manifest, with gastrointestinal intoxications and even cases of typhoid fever.As a matter of fact, CHANTEMESSE (1896), MOSNY (1897) and MOREAU (1899) consider that many small epidemics recorded in different French regions were caused by the ingestion of shellfish from Sète. But this point of view has been discussed a lot, and from 1897 on, SABATIER, PETIT and DUCAMP objected to the noxiousness of these molluscs; using the negative results of the bacteriological examination of oysters placed for 25 days in front of a sewage pipe in Sète. But a great number of typhoid cases reported between September 1906 and January 1907 caused a stir and lead to a study. This study, carried out by MOSNY and FABRE-DOMERGUE, culminated with the ministerial despatch of 25 January 1907 forbidding fishing product stabulation in the Sète canals and the Thau lagoon, next to built-up areas. Around the same time, NETTER, in a communication to the Medical Academy, gave introconvertible evidence of the dangerousness of stabulation in unhealthy waters in Sète: 67 cases of typhoid, including 18 deadly cases....
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Comment citer 

Fauvel Yves (1967). La pollution bactérienne des eaux et des coquillages de l'étang de Thau - 1967. Revue des Travaux de l'Institut des Pêches Maritimes, 31(1), 5-96. Open Access version : https://archimer.ifremer.fr/doc/00000/3777/