La pêche maritime algérienne et ses possibilités (Rapport de mission)

Autre(s) titre(s) The Algerian sea fishing and its possibilities (mission report)
Type Article
Date 1961-03
Langue(s) Français
Auteur(s) Furnestin Jean
Source Revue des Travaux de l'Institut des Pêches Maritimes (0035-2276) (ISTPM), 1961-03 , Vol. 25 , N. 1 , P. 21-32
Résumé 1° La pêche algérienne en déclin continu, produit moins de 22 000 t de poisson par an, mais elle devrait être une industrie prospère et pourrait sans beaucoup d'effort tripler sa production.

2° Ses deux formes essentielles: Pêche au chalut des poissons de fond, sédentaires (poisson blanc) et Pêche au lamparo, des espèces pélagiques (poisson bleu) se présentent sur le plan du développement qui pourrait leur être donné, de manière très différente.

3° La pêche au chalut, en dépit de l'augmentation du nombre de ses chalutiers depuis 15 ans, est insuffisante à approvisionner le marché algérien qui doit importer de l'étranger (Maroc) un tonnage de poisson blanc sensiblement équivalent à sa production (une dizaine de milliers de tonnes).
La pêche au chalut n'a qu'un avenir limité car les fonds sur lesquels elle s'exerce sont étroits, difficiles et, surtout, surexploités. Un essor modeste, mais lui permettant de couvrir les besoins de l'Algérie pourrait lui être donné:
a) Par une restauration des fonds épuisés, judicieusement divisés en cantonnements périodique~ ment remis en exploitation.
b) Par la prospection de fonds nouveaux en Méditerranée, par profondeur de 400 à 800 m, niveaux auxquels les crevettes et certains poissons peuvent être abondants. Mais la découverte de tels fonds reste aléatoire et de toute manière elle sera limitée à des superficies peu étendues.
c) Par l'orientation des chalutiers vers des lieux de pêche plus lointains: à l'est dans le canal de la Galite et le canal de Sicile, à l'ouest sur la côte de l'ancien Maroc espagnol et sur les fonds atlantiques de la baie ibéro~marocaine. Mais ceci implique le consentement des pêcheurs pour des sorties de plusieurs jours et des bateaux d'une puissance plus grande (50 à 100 tx - 200 à 400 CV) et mieux équipés (cales isothermes, sondeurs ultrasonores, phonie ... ) que la plupart des chalutiers existants.

4° La pêche au lamparo (poisson bleu) de type artisanal élémentaire utilise des bateaux non pontés, sans sécurité, inaptes à des sorties régulières. Elle ne produit pas assez de poisson pour faire tourner les usines de conserve et de salaison plus de 31 jours par an et ne peut approvisionner le marché intérieur en poisson frais. Elle occupe cependant une population nombreuse mais qui vit mal de son métier.

5° Contrairement à la pêche au chalut, elle s'adresse à des espèces abondantes (sardine, allache, anchois, etc.). Sous cet aspect, les eaux algériennes peuvent être considérées comme riches (contrairement à des opinions trop souvent admises), comparables à certains secteurs atlantiques voisins.
Cette richesse relative est due au courant atlantique puissant et régulier qui balaie d'un bout à l'autre les côtes algériennes et y entretient des conditions hydrologiques favorables à la biologie de ces espèces. Un prélèvement annuel triple ou quadruple de la pêche actuelle n'influerait en aucun cas sur les réserves qui restent purement soumises aux fluctuations naturelles.

6° Le développement de cette pêche au poisson bleu suppose une transformation profonde des habitudes, des techniques et du matériel. Le lamparo doit être remplacé par le «ring-net ». Cet engin d'un bon rendement exige des sardiniers pontés, plus puissants (50 à 100 CV) que les lamparos, dotés de cales étanches, de sondeurs- détecteurs ultra-sonores et de la phonie). Le développement suppose aussi une plus grande durée de la période de pêche qui peut sans difficulté être étendue sur 8 mois.

7° Il implique aussi un aménagement de certains ports qui sont déjà ou peuvent de,venir des centres importants de pêche:
Béni-Saf, le seul port relativement florissant de l'Algérie où le plan d'eau réservé aux chalutiers et sardiniers est insuffisant,
Bou-Haroun au centre d'une région de pêche où vit une nombreuse population maritime et où sont implantées les usines de conserves,
La Calle qui sert de base aux chalutiers de l'est, Bou-Zadjar, plage bien placée à proximité des lieux de pêche.
Les ports de pêche doivent fournir à cette industrie des installations appropriées: ateliers de réparation pour certains d'entre eux, criées ou comptoirs d'agréage, chambres froides, etc., qui sont les compléments nécessaires à une pêche en pleine activité,
8° L'industrie de la conserve et de la salaison, étroitement liée à la pêche au poisson bleu, penclite elle aussi. Pourtant elle écoule sans difficulté sa production, mais faute de poisson elle travaille peu et irrégulièrement, ne peut se moderniser ni bénéficier d'une main-d'oeuvre expérimentée.

Mais ses usines sont assez assez vastes et en nombre suffisant pour lui permettre de s'adapter rapidement à une production 4 à 5 fois plus forte. Le marché local lui appartient, celui de la Métropole lui est largement ouvert et sur les marchés étrangers elle n'aurait aucune peine à être compétitive avec les industries marocaines et ibériques concurrentes.

9° Au développement corrélatif de la pêche au poisson bleu et de l'industrie des conserves devrait correspondre celui d'une industrie des farines et huiles de poisson traitant les déchets des usines et le surplus de la pêche (une installation par centre de pêche), un débouché facile et rémunérateur de ces produits étant assuré en Métropole.

10° Le marché du poisson frais quasi inexistant, est à créer. Judicieusement orgaIllse et semble- t-il sans grandes dépenses (camionnettes isothermes), il devrait absorber une bonne partie de la pêche.

11° Le développement de la pêche et des activités connexes doit s'accompagner et est conditionné par une administration rigoureuse sans laquelle les conflits entre pêcheurs évolués et pêcheurs de petit métier entre pêcheurs et usiniers neutraliseraient rapidement toute action. On peut dire que le désarroi actuel de ces industries est dû à l'absence d'une organisation cohérente et complète qui règle une fois pour toutes les rapports des différents professionnels, en fonction d'une production qu'il importe de répartir sans profits abusifs pour les uns au détriment des autres.

Des comptoirs d'agréage pour le poisson usinable devront être créés, le contrôle de la qualité établi et l'administration compétente devra dispos•er de tous les pouvoirs pour faire respecter les contrats passés entre pêcheurs et utilisateurs du poisson.

12° Le développement de la pêche suppose enfin une organisation de la sécurité des bateaux en mer (canots de sauvetage) ainsi qu'une recherche scientifique appliquée aux pêches et industries dérivées,

13° Ainsi, par la protection des fonds et la recherche de nouvelles zones chalutables, mais surtout par le développement conjoint de la pêche du poisson bleu (ring-net), des installations portuaires, des industries de conserves et de farines, enfin par l'organisation du marché local, sous l'égide d'une administration stricte et avec l'aide d'un service scientifique, la pêche qui ne joue qu'un rôle très secondaire dans l'économie algérienne en dépit de possibilités certaines, pourrait devenir une industrie florissante.

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Comment citer 

Furnestin Jean (1961). La pêche maritime algérienne et ses possibilités (Rapport de mission). Revue des Travaux de l'Institut des Pêches Maritimes, 25(1), 21-32. Open Access version : https://archimer.ifremer.fr/doc/00000/4252/