Interactions entre comportement et variations de la croissance des juvéniles de la sole (Solea solea) dans les nourriceries des pertuis Charentais

L'objectif de cette thèse était d'identifier certains processus liés au fonctionnement des nourriceries de la sole Solea solea (L.) dans les pertuis Charentais, bassin ostréicole de 1er rang européen et nourriceries majeures pour la sole du golfe de Gascogne. Les juvéniles de la sole dépendent d'habitats côtiers et estuariens, ce qui implique (i) une capacité d'adaptation à la variabilité environnementale de ces milieux et (ii), l'accès à l'intégralité d'un habitat essentiel au cycle biologique de l'espèce. La nourricerie réalisée rend compte des ajustements que le poisson doit opérer entre les contraintes liées à l'habitat et sa capacité à gérer ces contraintes, à travers la sélection des aires de nourrissage, de repos et de refuge. Couplant travaux de terrains et expériences en mésocosme, des méthodes basées sur des estimateurs intégratifs ont été retenues, taux de croissance, indice de condition de Fulton et statut endocrine de ces poissons. Ces résultats ont été confrontés à une approche comportementale visant à déterminer comment les soles utilisent l'espace (pistage par télémétrie acoustique) et accèdent à la nourriture (régime alimentaire et estimation de la ration en équivalent carbone) dans un habitat sous influence conchylicole. La croissance des juvéniles du pertuis Breton, sub-maximale durant la période de croissance rapide, tend vers un plateau autour de l'équinoxe d'automne. Une expérience en mésocosme confirme que la température in situ ne peut entraîner ce ralentissement de la croissance. Or en même temps, ces juvéniles présentent une condition médiocre, les niveaux d'hormones thyroïdiennes circulantes les plus faibles et l'activité alimentaire la plus basse de l'année. Cet état suggère des contraintes propres à la mer des Pertuis, système de baies semi-fermées sous influence modérée de panaches estuariens. Il semble qu'un environnement marin moins favorable en fin d'été et/ou des effets en cascade sur le réseau trophique ne permettent pas à l'intégralité de la classe d'âge 0 d'y grandir en fonction des potentialités de l'espèce. Dans le contexte climatique actuel néanmoins, une partie d'entre eux est capable d'hiverner dans ces nourriceries où ils recouvrent des niveaux hormonaux élevés et restaurent leur activité alimentaire. Les contraintes environnementales des pertuis Charentais, si elles sont d'ordre à moduler la croissance des soles, ne semblent pas altérer leur comportement. Nous avons pu montrer par une expérience en mésoscosme que ni l'effet des structures d'élevage, ni celui des modifications d'habitat liées à la biodéposition ne restreignent l'accès aux zones placées sous emprises ostréicoles. Vérifier ces résultats en mer sera nécessaire avant de conclure que les juvéniles accèdent à l'intégralité des nourriceries dans les pertuis Charentais. Toutefois, deux cycles d'alimentation de 30 h dans le pertuis d'Antioche démontrent la capacité de très jeunes soles à ajuster leurs rythmes d'activité et l'intensité de la prise alimentaire selon, vraisemblablement, le contexte hydrodynamique, qu'il soit imposé par le cycle des marées de quinzaine ou par le vent. Cela a également permis une première estimation de la ration journalière des jeunes soles en carbone organique, ce qui permettra de compléter les modèles de réseau trophique actuellement développés. Enfin, l'infestation importante des soles des pertuis par les métacercaires d'un Bucephalidae, enkystées dans différents organes sensibles, révèle des interactions biotiques inattendues. Les cercaires de ce parasite étant propagées par les élevages de moules, cette parasitose donne un nouvel éclairage aux interactions existant entre la fonction de nourricerie des habitats côtiers et la conchyliculture.

Mot-clé(s)

Atlantique Nord Est, Conchyliculture, Carbone organique ingéré, Alimentation, Tri iodothyronine T3, Thyroxine T4, K de Fulton, Taux de croissance, Poisson plat, Habitat essentiel

This thesis aimed to identify and analyse processes involved in the functioning of sole Solea solea (L.) nurseries in the Pertuis Charentais, the most important oyster cultivation basin in Europe and a major nursery for the Bay of Biscay sole. Juveniles concentrate in coastal and estuarine habitats, which are essential in the biological cycle of this species but implies (i) adaptation to environmental variability and (ii), accessibility to habitat resources. Assuming that effective nurseries account for what fish must perform in response to habitat constraints, especially in selecting feeding, resting or refuge areas, we used both field works and mesocosm experiments to obtain integrative indicators of the nursery quality (growth rate, Fulton's condition index, endocrine status), and behavioural responses of how sole use space (acoustic telemetry techniques) and food (feeding regime and carbon daily ration estimates) in a habitat influenced by shellfish culture. Juvenile growth curves in the pertuis Breton were close to the species maximum in summer but they tended to a plateau around the autumn equinox. A mesocosm experiment confirmed that in situ temperatures could not explain this growth arrest. At the same time, juveniles had low condition indices, the weakest thyroid hormone levels and the lowest feeding activity. This status suggested various constraints, which could be specific to Pertuis, semienclosed bays under moderate river plume influence. It seemed that the Pertuis environment is less favourable at the end of summer and/or that cumulated effects on the trophic web do not allow the entire 0 group soles to grow according to species potentialities. Nevertheless, in the present climatic context, some of these juveniles were shown to over-winter in these nurseries, where they recovered high hormonal levels and restored their feeding activity. Under the Pertuis environmental constraints, sole growth was modulated, but behaviour did not appear modified. A mesocosm experiment, whose results still need field assessment, demonstrated that access to areas under oyster culture influence was not restricted, either by oyster-trestle effects or by water and bottom changes due to shellfish biological activity. From two 30h sampling cycles performed in the Pertuis d'Antioche, we demonstrated that young sole were able to adjust their activity rhythm and feeding rates, probably due to hydrodynamics, in relation to fortnightly tide cycles or wind stress. These cycles allowed us to evaluate the daily ration of organic carbon of sole juveniles, results which would contribute to the development of trophic web models. Finally, as spin-off of this thesis, a heavy infestation of the Pertuis Charentais by bucephalid metacercariae was revealed. Cercariae being propagated by mussel culture, this parasitosis gave a new point of view concerning the interaction between nursery function in coastal habitats and shellfish culture.

Keyword(s)

Atlantic North East, Shellfish culture, Ingested organic carbon, Feeding, Tri iodothyronine T3, Thyroxine T4, Fulton's K, Growth rate, Flatfish, Essential habitat

Texte intégral

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Comment citer
Laffargue Pascal (2004). Interactions entre comportement et variations de la croissance des juvéniles de la sole (Solea solea) dans les nourriceries des pertuis Charentais. PhD Thesis, Université de la rochelle. https://archimer.ifremer.fr/doc/00000/182/

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