Les consequences de l'echouement de l'Amoco Cadiz" sur les peuplements algaux exploitables

Introduction. On évalue actuellement de 6 à 16 millions de tonnes par an les quantités d'hydrocarbures qui sont rejetées à la mer. Ces pollutions proviennent d'origines différentes : les rejets chroniques liés à l'activité humaine tels les déballastages des pétroliers ou les déversements d'installations côtières de traitement de pétrole ; les rejets chroniques naturels ; les rejets accidentels comme les fuites survenant sur les têtes de puits de forage ou les accidents de pétroliers. Les déversements naturels se font, en général, d'une manière relativement discrète et leurs effets sont rapidement atténués par une dilution importante et une dégradation rapide des différents composants. Les accidents pétroliers, par contre, se caractérisent par un apport massif et ponctuel d'hydrocarbures. Le naufrage de 1' " Amoco-Cadiz " s'inscrit dans ce dernier cas et est apparu d'autant plus inquiétant qu'il s'est produit au milieu d'une région qui, du triple point de vue faunistique, floristique et économique, est une des plus riches du littoral français. Elle fournit, en effet, plus des trois -quarts de la récolte française de laminaires qui constituent la matière première indispensable des usines produisant les alginates et 70 % de la récolte d'algue rouge de l'espèce Chondrus crispus dont l'industrie extrait les carraghénanes. Le devenir de la profession goémonière et des industries qui s'y rattachent est lié à l'impact qu'aurait l'accident de 1' " Amoco-Cadiz " sur les peuplements végétaux. Il fut convenu que la récolte serait poursuivie tant que l'on ne mettrait pas en évidence les symptômes indiquant une altération des populations algales ou l'apparition de difficultés importantes au niveau du repeuplement. C'est pourquoi nous nous sommes efforcés de suivre en permanence l'évolution des champs d'algues qui intéressent directement l'exploitation, c'est-à-dire ceux de Laminaria dïgitata et de Chondrus crispus. Cette catastrophe étant la plus grande connue jusqu'alors, il était difficile de prévoir ce qui se passerait dans l'immédiat, à moyen et à long terme au niveau du métabolisme des algues, de leur faculté de reproduction et de la valeur des produits finis. Bien qu'on ne connaisse qu'une faible part des effets des hydrocarbures sur la flore algale, un certain nombre d'éléments sont déjà connus. O'BRIEN et DIXON (1976) notent que la plus grande partie des végétaux marins situés à des niveaux assez bas échappent en grande partie à des dommages importants du fait des hydrocarbures. La plupart des auteurs s'accordent à dire que les effets toxiques les plus prononcés sont en relation avec le contact direct de l'algue et de l'huile. La réponse de l'organisme est éminemment variable et est fonction de nombreux facteurs tels la quantité et la qualité du pétrole, du temps de contact ainsi que de son aptitude à se dégrader. Entrent encore en ligne de compte l'état physiologique de la plante, sa vulnérabilité vis-à-vis d'autres substances chimiques et la température. L'étude des répercussions physiologiques montre une décroissance de l'activité photosynthétique (NORTH, NEUSHUL et CLENDENNING, 1965) et une inhibition de la synthèse de ADN et ARN a été mise en évidence par DAVARIN (1975). BONEY (1974) note une diminution du taux de croissance et l'induction de croissances tumorales par des aromatiques polynucléaires carcinogènes. Des accumulations significatives d'hydrocarbures polluants ont été mises en évidence chez Fucus gardneri (CLARK et ai, 1973) et les populations d'ulves de la baie de San Francisco présentent des teneurs huit fois supérieures à celles d'aires non polluées (DISALVO, 1975). Généralement, les organismes des niveaux supérieurs subissent des dommages plus importants que ceux des niveaux inférieurs (SMITH.. 1968). La disparition des mollusques herbivores (CHASSE, 1978) peut entraîner une remontée des espèces fixées normalement plus bas (SOUTHWARD et SOUTHWARD, 1978). La gravité des dommages est variable suivant les facteurs associés à la pollution comme les détergents par exemple. Après le " Torrey Canyon ", les populations de Fucus spiralis ont été plus affectées que les autres Fucacae, une bonne part des dégradations étant d'ailleurs due aux détergents (SMITH, 1968). L'accident de 1'" Irini " en Suède a libéré des quantités importantes d'hydrocarbures lourds et NOTINI (1978) n'observe aucun dommage important pour les macrophytes marins. Lors de la pollution de Santa Barbara, HOLMES (1969) fait les mêmes constatations. Quelques plantes comme les algues rouges semblent les plus touchées (BONEY, 1974). Deux ans après le naufrage du "General M.C. MEIGS ", dans l'état de Washington (1972), les peuplements de Laminaria andecsonii n'avaient pas encore retrouvé leur état normal.
Introduction. The amount of hydrocarbons dumped into the sea is currently estimated at 6 to 16 million tons per year. This pollution comes from various sources: Chronic discharges associated with human activity such as oil tanker deballasting or discharges from coastal petroleum processing facilities; natural chronic discharges; accidental discharges like leaks coming from drilling well heads or oil tanker accidents. Natural spills happen, in general, in a relatively unobtrusive way and their effects are quickly diminished by significant dilution and rapid degradation of the various components. Oil spills, however, are characterised by a massive and occasional supply of hydrocarbons. The "Amoco Cadiz" shipwreck fits in with this last case and has seemed all the more disturbing because it occurred in the midst of a region that, considering its fauna, flora and economy, is one the French coastline's richest. It supplies, in fact, more than three fourths of the French harvest of carrageen, which is the essential raw material for factories producing alginates, and 70% of the harvest of red algae of the species Chondrus crispus from which the industry extracts carrageen. The future of the occupation of seaweed harvester and the industries that depend on it are linked to the impact that the Amoco Cadiz oil spill might have on plant populations. It was agreed that the harvest would continue as long as there were no conspicuous symptoms detected indicating a change in the algal populations or the appearance of significant difficulties as far as repopulation was concerned. That is why we have endeavoured to monitor on a permanent basis the changes in fields of algae that are of direct interest for farming, that is to say, the fields of Laminaria digitata and Chondrus crispus. Because this catastrophe was the biggest that had occurred up to that time, it was difficult to foresee what would happen in the short, mid and long term at the level of the algae's metabolism, their ability to reproduce and the value of the finished products. Although we only have scant knowledge of the effects of hydrocarbons on algal flora, a certain number of factors are already known. O'Brien and Dixon (1976) note that the better part of marine vegetation located at rather low levels escape, for the most part, significant harm caused by hydrocarbons. Most authors are in agreement in saying that the most pronounced toxic effects are related to the direct contact of algae and oil. The organism's response is eminently variable and is a function of many factors such as the quantity and quality of the petroleum, the time of contact as well as its aptitude for dissipating. The physiological state of the plant, its vulnerability vis-à-vis other chemical substances and temperature also come into play. The study of the physiological repercussions shows a decrease in photosynthetic activity (North, Neushul and Clendenning, 1965) and an inhibition of the synthesis of DNA and RNA has been brought to light by Davarin (1975). Boney (1974) notes a reduction in the rate of growth and the induction of tumorous growths by carcinogenic polymorphonucleocyte aromatics. Significant accumulations of polluting hydrocarbons were found in Fucus gardneri (Clark et al, 1973) and the ulva populations of the San Francisco Bay show content levels that are eight times higher than those of non-polluted areas (Disalvo, 1975). In general, organisms at upper levels suffer more significant damage than those at the lower levels (Smith, 1968). The disappearance of herbivorous molluscs (Chasse, 1978) can cause species normally set at lower levels to rise (Southward and Southward, 1978). The seriousness of the damage varies according to factors associated with the specific pollution, such as detergents, for example. After the "Torrey Canyon", the Fucus spiralis populations were more affected than the other Fucacae, a large share of the damage being due, moreover, to detergents (Smith, 1968). The Irini accident in Sweden released significant amounts of heavy hydrocarbons and Notini (1978) observes no significant damage for marine macrophytes. At the time of the Santa Barbara oil spill, Holmes (1969) makes the same observations. Some plants, like red algae, seem to be the most affected (Boney, 1974). Two years after the "General M.C. Meigs" shipwreck, in the state of Washington (1972), the Laminaria Anderson populations had not yet returned to their normal state.

Keyword(s)

Seaweeds, Pollution Effects, Marine Pollution, Oil Spill

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Comment citer
Kaas Raymond (1980). Les consequences de l'echouement de l'Amoco Cadiz" sur les peuplements algaux exploitables. Revue des Travaux de l'Institut des Pêches Maritimes. 44 (2). 157-194. https://archimer.ifremer.fr/doc/00000/1950/

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