Cette étude a consisté en la caractérisation du transfert trophique des sources de matière organique d'un écosystème littoral sous influence estuarienne chez l'huître creuse Crassostrea gigas, mollusque suspensivore, qui est une composante majeure faunistique des Pertuis Charentais et particulièrement du bassin conchylicole de Marennes-Oléron. Les isotopes stables naturels du carbone et de l'azote ont été utilisés comme traceurs de la matière organique, des sources de production primaire et des transferts trophiques. La caractérisation de l'origine des sources de nourriture disponibles pour l'huître dans le pool de matière organique particulaire (MOP) a révélé la complémentarité des descripteurs hydrobiologiques pertinents utilisés en routine et l'analyse de la composition isotopique. Les processus d'incorporation de la nourriture ont ensuite été détaillés, avec, en particulier, la détermination des taux de renouvellement tissulaire et des enrichissements trophiques pour cinq organes, les branchies, la glande digestive, le manteau, le muscle et les gonades. Cette démarche originale est apparue particulièrement adaptée pour l'interprétation dynamique des transferts trophiques. En période estivale, les renouvellements isotopiques du carbone, différents entre chaque organe, s'échelonnent entre un mois pour la glande digestive et quatre mois pour le muscle. Le taux de renouvellement isotopique de l'azote est trois à cinq fois plus rapide en liaison avec le métabolisme protéique très actif chez les herbivores. La variabilité spatio-temporelle de la contribution des sources (facteur extrinsèque) au régime alimentaire de l'huître mais également la gamétogenèse (facteur intrinsèque) influent conjointement sur les signaux isotopiques tissulaires de l'huître. En définitive, la composition isotopique de l'huître corrigée de son enrichissement trophique permet alors de définir son régime alimentaire. La glande digestive dont le renouvellement est rapide informe sur la dynamique temporelle des sources de nourriture accessibles alors que le muscle qui intègre sur le long terme révèle leur dynamique spatiale en période de croissance. L'huître s'avère être un tropho-indicateur de la dynamique des environnements nutritionnels intertidaux sous influence estuarienne.

Trophic transfers of particulate organic matter sources to the Pacific oyster Crassostrea gigas were investigated in the oyster farming bay of Marennes-Oléron for two years. Stable isotope ratios of carbon and nitrogen were used to trace the origin and fate of primary production and organic matter inputs into the bay, and to depict trophic transfers to oysters that were experimentally reared according to traditional methods. Characterizing particulate organic matter sources available for oysters utilized a combination of hydrobiological parameters and stable isotope ratios. Processes of food incorporation by oysters were described for five organs such as gills, digestive gland, mantle, muscle and gonads, and were interpreted taking into account experimental estimates of tissue turnover rates and trophic enrichments. In summer and depending of the organs, isotopic turnover rates of carbon vary between 1 and 4 months although isotopic turnover rates of nitrogen were 3 to 5 times faster than those of carbon, in relation to the metabolism of proteins in herbivorous species. Spatial and temporal variability of the source contributions (extrinsic factor) to the oyster diet and the gametogenic cycle (intrinsic factor) jointly influenced tissue isotopic signals. Then the isotopic composition of oyster corrected for its trophic enrichment allows its diet to be determined on a monthly basis. The faster turnover rate of the digestive gland gave information about the temporal dynamics of the available food sources, whereas muscle tissues, with longer turnover, revealed spatial dynamics of available food sources during periods of growth. To conclude, this study demonstrated that the Pacific oyster, as a trophoindicator, is an efficient tool to highlight nutritional dynamics in estuarine macrotidal environment.