La marge sud-marocaine et les premières phases d'ouverture de l'océan Atlantique Central

Ce travail de thèse concerne les marges continentales passives de l'océan Atlantique Central et plus particulièrement la marge sud-marocaine, en regard du bloc Reguibat. La méthode employée intègre à la fois une étude en plan (reconstitutions cinématiques et paléogéographiques) et une étude en coupe (interprétation et comparaison de profils sismique réflexion et réfraction, reconstructions paléobathymétriques). Le modèle d'évolution cinématique de l'océan Atlantique Central, du Trias au Crétacé moyen, a été réalisé à partir du nouvel ajustement initial proposé par Sahabi et al. (2004). Ce travail admet un âge de 195 Ma (base du Sinémurien) pour la formation de la première croûte océanique de l'Atlantique Central (soit 20 Ma plus tôt que dans les précédents modèles). Partant de ces considérations et en intégrant des données nouvelles en sismique, altimétrie et magnétisme (avec en particulier la création d'une nouvelle grille magnétique), cette étude met en évidence plusieurs phases distinctes : une première phase extrêmement lente (~0,8 cm/an) caractériserait, pendant 30 Ma environ, l'ouverture initiale au Lias et au Dogger. L'époque de l'anomalie magnétique Blake Spur, vers 165 Ma (base du Callovien), marquerait un changement à la fois dans la direction du mouvement relatif entre les plaques et dans le taux d'accrétion (~4,8 cm/an) auquel serait associé un changement de morphologie du socle. A partir de l'anomalie M22 (150 Ma, base du Tithonien), le taux est nettement ralenti par rapport à celui de la période précédente (~2,6 cm/an) jusqu'à l'anomalie M0 (125 Ma, limite Barrémien-Aptien). D'un point de vue géodynamique, le domaine atlantique se partage au Permo-Trias, en deux grands domaines : tandis que l'Europe et le futur Atlantique Nord connaissent dès le Permien et pendant le Trias d'importantes phases de distensions, le futur Atlantique Central reste en compression pendant une partie du Permien (phase alléghanienne) et ne semble enregistrer de distension notable qu'à partir du Trias Supérieur. Le segment de marge, situé entre la meseta marocaine et la Nouvelle-Ecosse, caractérisé par une large province triasique à évaporites, occupe une position intermédiaire entre ces deux domaines. En plus de ce segment, clairement hérité de l'orogenèse hercynienne, le domaine méridional est lui aussi segmenté suivant une longueur d'onde de l'ordre de 600 km. Un examen sur l'ensemble du globe montre que cette segmentation est omniprésente. Elle semble ici assujettie à la fois à l'héritage tectonique et à une organisation thermique mantellique apparemment générale. L'étude structurale a été réalisée à partir de données de sismique réflexion et réfraction de la campagne Dakhla (2002) et d'une compilation de données du même type (couplage réflexion/réfraction) existant sur l'ensemble de la marge nord américaine et au large de la meseta marocaine. Les marges présentent en général trois domaines assez clairement marqués : le domaine continental peu ou pas aminci limité par la hinge line à partir de laquelle la croûte continentale s'amincit de plus en plus jusqu'à passer plus ou moins abruptement au domaine considéré océanique. Le domaine dit transitionnel correspond à un domaine de croûte océanique atypique : il se caractérise par des anomalies magnétiques peu ou pas marquées, une croûte de faible épaisseur (environ 5 km) avec une zone à vitesse anomale (> 7,2 km/s) à sa base. Cette étude nous a également permis de déterminer quelques points majeurs et communs de la structuration des marges : 1- L'amincissement de la croûte continentale à partir de la hinge line est abrupt, restreint à 60 km en moyenne : la remontée de la base de la croûte coïncide avec la zone de pente continentale (sauf sur la marge de Dakhla où elle semble être décalée de 50 km vers l'océan). Dans cette partie de marge (zone haute de la pente), l'épaisseur de la croûte continentale passe de 30 km environ à moins de 10 km et on y observe peu ou pas de structures distensives. 2- La zone de bas de pente, quant à elle, présente une croûte continentale complètement amincie et étirée. Enfin, les marges de l'océan Atlantique Central se distinguent par la présence d'une plate-forme carbonatée jurassique qui implique une sédimentation proche du niveau 0 m longtemps après la cassure (plus de 50 Ma après). Le rebord de la plate-forme carbonatée coïncide avec la limite entre ces deux zones structurales. Ce schéma structural se retrouve parfaitement dans le bassin Liguro-Provençal, sur des marges dix fois plus jeunes et nous permet de proposer le schéma d'évolution en trois étapes : la première étape correspond à une phase de déformation distensives, affectant l'ensemble de la croûte, et accommodée par des manifestations volcaniques et la formation de grabens plus ou moins importants. La deuxième étape correspond à la phase d'amincissement aboutissant à la formation de la pente continentale entre la hinge line et la première croûte océanique (ou croûte océanique atypique). C'est la croûte inférieure qui semble enregistrer cet amincissement. Pendant la troisième phase, la rupture se localise au niveau du bas de la pente continentale et la première croûte océanique se forme, probablement composée de croûte continentale inférieure et de matériel mantellique. Notre étude combinée montre ainsi que les modèles de genèse des marges avec conservation de volume de type McKenzie (1978) ou Wernicke (1981, 1985) ne répondent pas aux observations géologiques actuelles. Pour expliquer l'amincissement des marges, il semble nécessaire de s'intéresser aux modèles non-conservatifs (transformation de la croûte, érosion, fluage de la croûte inférieure, etc.). La marge de Dakhla présente cependant une morphologie différente du schéma que nous proposons, avec une réelle dissymétrie des marges homologues, l'ensemble de l'amincissement étant reporté sur la marge américaine. La zone cratonique précambrienne Reguibate, située entre deux segments d'orogène, semble pratiquement intacte pendant le processus de rupture et la croûte inférieure de ce domaine particulier ne semble pas avoir réagi comme dans les domaines appalachiens et les Mauritanides qui l'encadrent, soulignant ainsi l'influence de l'héritage tectonique sur la morphologie des marges.

Mot-clé(s)

héritage tectonique, sismique réflexion et réfraction, Structure crustale, Marge continentale passive Sud Maroc

We here propose a twofold approach to study the continental margins of the Central Atlantic Ocean, with special focus on the South Morocco Margin, in front of Reguibat bloc. This approach is based on plate kinematics reconstructions and geological field studies to map and constrain the geometry of the plate boundary though time and seismic sections (reflection and refraction) to decipher the tectonic and sedimentary history of the margin. Sahabi et al. (2004) recently showed that the opening of the central Atlantic Ocean started 195 my ago (Sinemurian basis) (i.e. 20 my later than what was generally proposed in earlier models). Based on this result and on the analysis of geophysical data (including new seismic lines, a new magnetic anomaly grid and satellite derived gravimetry), our kinematic study evidences several tectonic phases: oceanic accretion started at an extremely slow rate (~0.8 cm/y) during about 30 my (Lias-Dogger). At ~165 my ago (Callovian basis), a change in the relative plate motions occurred, that resulted in a change in basement topography and an acceleration of spreading rate, up to ~ 4.8 cm/y. The BSMA (Blake Spur Magnetic Anomaly) is related to this change. From Magnetic Chron M22 (150 my, Tithonian basis) onwards, the spreading rate slowed down to about 2.6 cm/y until Magnetic Chron M0 (125 my, Barremian-Aptian). On geodynamic side, the Atlantic domain divides into two major domains: whereas Europe and the future North Atlantic, at Permo-Triassic times, know period of distension, central Atlantic Ocean stay in compression during the end of Permian (Alleghanian phase) et seems to register distension only at Triassic times. Margin segment, localized between Moroccan Meseta and Nova Scotia, characterized by a huge Triassic province of evaporates, occupies an intermediate position between these two domains. Besides to this segment clearly inherited of Hercynian orogeny, meridional domain is also segmented with a segmentation wavelength of about 600 km. An analysis in several regions worldwide indicates that such segmentation is observed all around the globe. It seems to be linked here both to tectonic inheritance and to a relatively simple thermal mantle structure. The structural study of the margin is based on reflection and refraction seismic data obtained during the Dakhla cruise (2002), and on a compilation of existing comparable datasets (reflection and refraction data) from the North American margin and the Moroccan Meseta. Margins show in general three major pretty good marked: continental domain, little or no thinned, limited by hinge line from which continental crust thins more and more until pass more or less abruptly to oceanic domain. Transitional domain corresponds to atypical oceanic crust characterized by magnetic anomalies little or no marked, a thin crust (about 5 km) underlain by a low velocity (>7.2 km/s) layer. This study allows us to determinate several key points on margin structuration: 1- The data clearly indicate that crustal thinning is abrupt (except at the Dakhla site), not wider than about 60 km, and limited to the continental slope. In this part, continental crust thins from around 30 km to less than 10 km and we do not observe hardly any extensional structures. 2- At the bottom of the continental slope, the crust is completely thinned and stretched. The margins of the central Atlantic Ocean are also characterized by the occurrence of a Jurassic carbonate platform, which implies sedimentation in shallow waters (close to 0 m), for a long time after continental break-up (more than 50 my). Platform edge coincides with limit between these two structural zones. Based on reflexion and refraction seismic profiles, the structural characteristics of the margin are comparable to those of the Liguro-Provençal basin, the margins of which are ten times younger. The model we propose for the evolution of these margins includes three stages. First, extensional deformation, affected all the crust, is accommodated by sparse tilted blocks, grabens or basins. The second phase corresponds to the phase of crustal thinning, leading to the formation of continental slope. It is lower continental crust which seems to register thinning. During the third phase, break-up occurs at the foot of the continental slope, leading to the formation of proto-oceanic crust, probably partly composed of lower continental crust and mantle material. Our study shows that margin formation models that imply crustal volume conservation (e.g. McKenzie, 1978), cannot explain the actual geological observations. Non-conservative models (crustal transformation, crustal erosion, etc.) seem to be necessary to explain crustal thinning. The Dakhla margin differs a little bit of this scheme because of the asymmetry of its conjugated margins, and so, thinning appears to be on American side. The Precambrian cratonic zone of Reguibat, localized between two orogenic segments, seems to be unaffected by the break-up process. The lower crust does not have the same evolution than the neighbouring Appalachians and Mauritanides domains, undermining the importance of the tectonic heritage on the morphology.

Keyword(s)

tectonic inheritance, combined wide angle and deep reflection seismic, South Moroccan margin, crustal structure, non volcanic continental passive margin

Comment citer
Labails Cinthia (2007). La marge sud-marocaine et les premières phases d'ouverture de l'océan Atlantique Central. PhD Thesis, Université de Bretagne Occidentale. https://archimer.ifremer.fr/doc/00000/3791/

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