Essai sur l'économie des pêches maritimes en Algérie

Les recherches scientifiques entreprises pour l'amélioration de la nourriture des populations sous-alimentées ont mis en lumière la place que le poisson pouvait occuper; par sa teneur élevée en protéines, vitamines et sels minéraux, la pâte de poisson, convenablement traitée, est l'élément de base le plu!' riche qui puisse entrer dans la fabrication industrielle d'aliments synthétiques simples, de prix de revient peu élevé. A un stade de transformation moins avancé, le poisson salé, séché, mis en boîte ou fumé garde toutes ses propriétés biologiques et constitue un aliment d'une conservation aisée et d'un transport facile; il est, par surcroît, consommé en frais par une partie de la population, en général celle du littoral. Pour un territoire sous-développé, aux frontières maritimes importantes, la faune marine représente une richesse naturelle dont l'exploitation présente un intérêt certain; elle met à la disposition de la population une denrée alimentaire d'une haute qualité nutritive et entraîne sur le plan économique la création d'activités multiples, sources d'emploi et de distribution de revenu. La mise en valeur de la mer est en effet conditionnée par l'existence d'une flottille de pêche qui se traduit à plus ou moins brève échéance par la création d'ateliers de construction navale et de réparation mécanique, de fabriques de filets et de cordages. La commercialisation du produit implique l'installation d'entreprises commerciales comme les ateliers de mareyage et de conditionnement, les entrepôts frigorifiques, les halles de vente; sa conservation suppose l'implantation d'entreprises industrielles à caractère artisanal ou capitaliste comme les ateliers de salage, fumage, saurissage, les usines de conserves ou de traitement des sous-produits. L'ensemble de ces activités annexes ou connexes et complémentaires constitue une véritable industrie des pêches maritimes dont l'économie peut tenir une place importante dans une économie nationale. Avec ses quelque 1 100 km de côtes, l'Algérie a une vocation maritime; l'exploitation des fonds sous-marins y est très ancienne et, depuis 1830, celle-ci a entraîné l'installation d'entreprises de plus en plus nombreuses dont l'activité conditionne de nos jours la prospérité de plusieurs petites villes littorales. Pour apprécier le niveau de développement de cette économie, il faut connaître l'importance de chacun des facteurs qui caractérisent toute industrie au sens large du terme, c'est-à-dire la production, sa valeur le niveau d'emploi et la dimension du capital technique. En 1956, la production s'élevait à 21 170 t représentant une valeur de 2 260 millions de francs; 4800 pêcheurs étaient employés et utilisaient une flottille de plus de 935 navires d'une jauge brute totale de 6500 tx. 50 usines de conserves ont fabriqué 166000 caisses de sardines et 60 ateliers ont salé 60000 barils d'anchois; 1 500 ouvriers saisonniers ont été utilisés. Le revenu brut distribué aux marins pêcheurs et patrons propriétaires s'est élevé à 1,8 milliard de francs, Pour la même année, le revenu brut de l'agriculture était évalué à 250 milliards de francs, dont 59,3 pour la production de viandes, volailles, laines, produits laitiers: le revenu du travail représentait 30 milliards à distribuer entre 180 000 salariés. La pêche maritime représente près de 5 % de cette dernière production, 3 % de celle des vins et raisins, 40 % de celle des huiles. Sa place paraît être modeste au sein de l'économie algérienne; mais le rôle que doit jouer cette activité dans le développement économique du pays est des plus importants. La pêche met à « disposition» de la matière première dont la plus grande part doit être conditionnée, transformée et conservée par les Industries de conserves qui font partie du secteur des Industries agricoles alimentaires, véritable trait d'union entre l'agriculture et l'industrie: par le volume des produits susceptibles d'être traités, par le haut niveau d'emploi qu'il nécessite, il tient l'une des premières places dans l'industrialisation de l'Algérie. Les régions à la fois agricoles et maritimes, ne peuvent se désintéresser d'une activité aussi importante sans rechercher les moyens propres à assurer son développement maximum et son organisation rationnelle. Comparée à celle de la Métropole, la pêche algérienne paraît d'un niveau bien inférieur: pour l'année 1956, la France occupe plus de 51000 marins et utilise une flotte de plus de 14800 navires d'un tonnage global de 236 000 tx. La production s'élève à 427 000 t pour une valeur brute de 55 milliards de francs; 200 usines de conserves ont fabriqué près de 4 000 000 de caisses en traitant 88 000 t de poissons; elles employaient environ 13 000 ouvriers. L'Algérie représente 5% de la production métropolitaine en poids et 4 % en valeur; le tonnage de sa flotte n'en représente que 3 %, mais les marins embarqués sont de 10%. En résumé, la production débarquée dans le seul port de Concarneau dépasse largement, en poids et en valeur, celle de l'Algérie entière. Si l'on veut replacer cette étude dans son cadre Nord-Africain, il faut comparer cette activité avec celle des pays limitrophes. a) Tunisie. En 1952, la Tunisie occupait 9 000 pêcheurs en bateau et régulièrement inscrits, exception faite des pêcheurs d'éponges dont le nombre avoisinait 2 700: la flottille comptait 2 200 navires d'un tonnage global approximatif de 6 000 tx (les statistiques plus récentes sont imprécises). La production s'élevait à 11000 t pour une valeur de 868 millions de francs; une pêche importante est effectuée par l'intermédiaire de pêcheries fixes calées de la terre vers la mer et a rapporté 1 500 t de poissons pour une valeur de 266 millions. Une quinzaine d'usines ont fabriqué 170 000 caisses de sardines et 34 000 caisses de thons. b) Maroc. En 1948, le Maroc (littoral atlantique) employait environ 2500 pêcheurs embarqués à bord d'une flotte comptant 1 500 navires d'un tonnage global de 40 000 tx. En 1956 on dénombrait 5500 pêcheurs pour une flotte de 2 000 navires, la plupart étant des navires sardiniers. La production qui était de l'ordre de 30 000 t en 1938, était passée à 95 000 t en 1949, et à 100 000 t en 1956 pour une valeur approximative de plus de 3,5 milliards de francs marocains, En 1957, on atteignait 140 000 t. La majeure partie des apports consiste en poisson bleu et en thonidés (110 000 t en 1957) qui alimentent un grand nombre d'usines de conserves installées sur tout le littoral, et en particulier au port d'Agadir qui en compte à lui seul, plus d'une centaine. Les richesses sous-marines algériennes ne font pas l'objet d'une exploitation méthodique et intensive; la pêche constitue une activité artisanale mal organisée, les industries connexes se sont installées et ont prospéré a une époque où les débouchés commerciaux étaient peu développés et où l'usine représentait le principal client. L'équipement n'a jamais fait l'objet d'améliorations techniques, révolutionnaires du moins en ce qui concerne les engins de capture; les navires à voile ont disparu, mais les méthodes demeurent presque inchangées, les hommes répugnent aux innovations, même adoptées par leurs plus proches voisins. L'organisation économique de la pêche maritime ne répond plus aux besoins actuels; la réforme de sa structure s'impose non seulement parce qu'elle doit concourir à l'expansion économique générale, mais aussi parce qu'elle procède de la recherche de l'équilibre entre un secteur industriel déjà installé et un secteur de production en plein marasme, Pour préparer cette réforme, il faut connaître et analyser la structure actuelle de cette économie à travers les principaux éléments qui la caractérisent; c'est la raison pour laquelle cette étude comprend deux parties: 1. Analyse du marché, 2. Grands problèmes de la pêche algérienne. (OCR non contrôlé)

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Comment citer
Simonnet Raymond (1961). Essai sur l'économie des pêches maritimes en Algérie. Revue des Travaux de l'Institut des Pêches Maritimes. 25 (1). 33-124. https://archimer.ifremer.fr/doc/00000/4253/

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