La représentation de l'espace dans les modèles de dynamique des populations. L’exemple des modèles dynamiques déterministes à temps et espace continus

La modélisation des cycles biologiques des populations animales constitue un thème de recherche qui appelle aujourd’hui de nouveaux développements. Ce sont des préoccupations concrètes qui ont initialement suscité l’essor de cette discipline : par exemple, comprendre la dynamique des ressources vivantes exploitées pour établir des règles de gestion, ou encore élucider les mécanismes générateurs de l’apparition régulière à impulsionnelle d’événements tels que les invasions d’organismes ravageurs ou vecteurs d’épidémies. Parallèlement, l’accroissement des connaissances acquises sur le fonctionnement des écosystèmes, en particulier sur le réseau des relations qu’entretiennent les populations entre elles et avec leur environnement, a révélé que des processus nombreux et variés (biotiques et abiotiques, endo- et exogènes, et opérant à diverses échelles) régulent l’état et contraignent l’évolution de ces populations. On conçoit donc à présent que les conséquences de l’exploitation, voire de tentatives d’éradication ou de contrôle de l’une d’elles, ne sont pas limités à la "population-cible", mais se propagent de façon peu prévisible dans l’écosystème. Compte tenu de l’intensification des impacts anthropiques sur la biosphère, les objectifs mentionnés ci-dessus visent la résolution de questions désormais plus complexes, motivées par l’enjeu de la gestion durable des peuplements et de leurs habitats. L'introduction du document souligne qu'une telle ambition est tributaire de l'identification et de la représentation des structures spatiales qui caractérisent les peuplements et les écosystèmes. La variété des démarches qui intègrent cette dimension supplémentaire aux modèles de dynamique des populations est d'abord brièvement mentionnée, pour se limiter ensuite à la famille des modèles déterministes à temps et espace continus, exprimés dans le formalisme EDP (équations aux dérivées partielles). Le premier chapitre explicite les hypothèses fondatrices du formalisme continu ; la classique équation de von Foerster est utilisée comme point de départ de la construction d'un modèle intégro-différentiel "spatialisé", où la dynamique macroscopique des déplacements individuels est résumée à l'aide du produit de convolution de la densité locale de la population par un "noyau de dispersion". Le deuxième chapitre est consacré au cas où le noyau de dispersion est une fonction paire ; dans ce cadre, et pour une seule population, les simplifications qui conduisent aux modèles de réaction-diffusion sont rappelées, et la notion de "diffusion biologique" est précisée. Les propriétés les plus typiques du comportement dynamique de ces modèles sont présentées, ainsi que des exemples incluant des généralisations telles que la diffusion corrélée et la diffusion non linéaire. Puis l'interaction entre deux populations (ou plus) est examinée : on expose le mécanisme générique de l'instabilité diffusionnelle créatrice des "structures de Turing". Enfin, quelques exemples de simulation de l'émergence de structures spatiales dans les systèmes prédateur-proie sont cités. Dans la troisième partie sont évoqués les problèmes de modélisation engendrés par la disparité des échelles spatio-temporelles caractéristiques des cycles biologiques des populations marines, et des orientations de développements complémentaires sont indiquées. En conclusion est proposé un inventaire des choix les plus cruciaux qui fondent l’élaboration d’une stratégie de modélisation des populations réparties.
First analytic approaches in population dynamics modelling did not really begin until the 1920s and 1930s. By the 1950s, models that described how fish populations respond to fishing were developed, and provided useful tools in the management of living resources. These early studies, as well as the bulk of existing theoretical ecology, are usually in spatially homogeneous settings: they deal with temporal processes, and ask specifically about steady-state solutions to nonspatial systems. However, several lines of inquiry have stressed the critical role of spatial complexity when thinking about populations and communities as dynamical systems varying in response to natural or human-created disturbance. The introduction of this report is designed to highlight the fundamental effects of space on the dynamics of populations of individual organisms, each of these discrete entities interacting only with its immediate neighborhood, i.e., the rather confined region through which it moves. Various approaches are first briefly examined, before focusing throughout the rest of the report on spatially explicit models for continuous space and time, couched in terms of deterministic partial differential equations (although stochastic or individual-based models are important, this choice aims at keeping the report within reasonable bounds). Chapter 1 relies upon the classical Mc Kendrick-von Foerster equation, and introduces the integrodifferential formulation convoluting the local population density with a “dispersal kernel”: the instantaneous rate of change of the former thus depends on the influence of the spatial distribution of the population, the latter summarizing macroscopically the dynamics resulting from individual movements. Chapter 2 puts the emphasis on the case of spatially symmetric kernel functions whose range of influence is restricted to a small neighborhood, and recalls how the integrodifferential model reduces to a familiar reaction-diffusion system; the concept of “biological diffusion” is also explained. Typical features of the dynamical behaviour of reaction-diffusion models are presented, with examples of generalizations such as correlated random walk and nonlinear diffusion. Some interacting populations systems are then considered, the main concern being with models for two populations; the governing equations for diffusion driven instability mechanisms of pattern formation (Turing structures) are derived. Examples of spatial pattern generation in predator-prey systems are also given. The purpose of chapter 3 is to spark interest among field- and experimental ecologists in wedding a pertinent theoretical frame to the management of the variety of spatio-temporal scales characterizing the biological cycles of marine organisms. The conclusion of the report explores some challenges facing the definition of a relevant strategy of model building in “spatial population dynamics”.

Texte intégral

FichierPagesTailleAccès
9196.pdf
442 Mo
Comment citer
Gros Philippe (2001). La représentation de l'espace dans les modèles de dynamique des populations. L’exemple des modèles dynamiques déterministes à temps et espace continus. Ifremer - Bilans & prospectives - Modélisation des écosystèmes côtiers. https://archimer.ifremer.fr/doc/00013/12409/

Copier ce texte