Dynamique du phosphore et rôle comme facteur limitant de la production planctonique dans le panache de la Gironde sur le plateau continental Sud Gascogne
Cette thèse s’inscrit dans le cadre du Chantier Atlantique du Programme National d’Océanographie Côtière (PNOC, PNEC depuis 1999). Les objectifs de ce travail étaient (1) de vérifier l’existence et comprendre le déterminisme de blooms phytoplanctoniques hivernaux dans les eaux du Golfe de Gascogne influencées par la Gironde, (2) de préciser le facteur limitant de la production primaire associée à ces blooms et de suivre l’évolution saisonnière de ce facteur et (3) de comprendre les conséquences de cette limitation précoce sur la structuration des populations algales au printemps. Le phosphore étant supposé être le principal élément limitant de la croissance algale dans le panache de la Gironde, les différentes composantes du cycle du phosphore ainsi que le compartiment bactérien, central dans ce cycle, ont été étudiés en terme de stock et de flux.
La stratégie d’échantillonnage a consisté en trois campagnes en 1998, BIOMET 2 (janvier), BIOMET 3 (début mars), PEGASE (juin) et six campagnes en 1999, PLAGIA 1 à 6 (fin février, fin avril, fin mai, fin juin, mi-juillet et début octobre).
Des efflorescences algales hivernales, constituées essentiellement de diatomées, ont effectivement été observées de façon récurrente dans les eaux typiques du panache (S < 34,5) et à la limite du panache et des eaux océaniques atlantiques adjacentes (S > 34,5) au cours des deux années successives 1998 et 1999. Ces blooms ont été engendrés par l’apparition de courtes fenêtres anticycloniques en période hivernale, ces fenêtres interférant sur les processus physiques qui prévalent sur l’évolution et les caractéristiques du panache de la Gironde (régime des débits, orientation et force du vent) et, de façon ultime, sur l’évolution de la profondeur de la couche de mélange (halostratification) et la disponibilité en lumière (diminution de la turbidité).
La croissance algale était limitée par le phosphore dans les eaux typiques du panache à la fin du bloom hivernal, au printemps et devint limitée en azote et en phosphore en période estivale et ceci jusqu’à ce que les premières tempêtes automnales rétablissent l’équilibre nutritif des eaux. Les eaux à caractère plus océanique (S > 34,5) étaient plus probablement limitées par N+P dès la fin de l’hiverdébut du printemps et ce jusqu’à l’automne. La limitation des blooms hivernaux par le phosphore, associée à des apports nutritifs girondins déséquilibrés en phosphate (rapports NO3/PO4 élevés) a favorisé le développement de cellules de petite taille au début du printemps et la présence ultérieure de blooms printaniers (juin 1998, fin mai 1999) composés de pico- et de nanophytoplancton (nanoflagellés), blooms « atypiques » pour des eaux tempérées à cette saison. Cette structuration des communautés algales est renforcée par la compétition entre le phytoplancton et les bactéries pour l’acquisition du phosphate, les bactéries étant plus compétitives aux faibles teneurs en phosphate et pouvant être elles-mêmes limitées par le phosphore à certains moments du printemps. La diminution de taille des cellules algales a probablement une incidence sur la structure de taille de l’ensemble du réseau trophique.
L’étude des différentes composantes du phosphore montre l’importance du pool de Phosphore Organique Dissous (POD), sa labilité biologique potentielle et la capacité des communautés algales et bactériennes à utiliser ce pool au printemps quand les phosphates sont indétectables (activités spécifiques des phosphatases alcalines très élevées, recyclage très rapide des monoesters de phosphate). Au vu des quelques estimations de l’activité phosphatasique réelle et des flux d’assimilation de phosphate, l’hydrolyse du POD associée à l’assimilation couplée du phosphate libéré représenterait 91 à 99 % des flux de phosphore vers les cellules algales et bactériennes, quand les phosphates du milieu sont déficients. Dans de telles conditions, le POD pourrait satisfaire l’essentiel des besoins des microorganismes en phosphore.
This study was supported by the Atlantic working site of the « Programme National d’Océanographie Côtière » (PNOC, PNEC since 1999). The objectives were (1) to check the existence and to understand the mechanisms of winter phytoplankton blooms in the bay of Biscay influenced by the Gironde waters (2) to determine the limiting nutrient of the primary production associated to these blooms and to follow the seasonal evolution of the limiting nutrient, (3) to understand the consequences of this early limitation on the structuration of algal populations in spring. Since phosphorus was supposed to be the major limiting nutrient of algal growth in the Gironde plume, the different forms of the phosphorus cycle as well as the bacterial compartment, central in this cycle, were also studied in term of stocks and fluxes.
The sampling strategy consisted in three cruises in 1998, BIOMET 2 (January), BIOMET 3 (beginning of March), PEGASE (June) and six cruises in 1999, PLAGIA 1 to 6 (late February, late April, late May, late June, the middle of July and the beginning of October).
Winter algal blooms, essentially diatoms, were actually observed both in the typical waters of the plume (S < 34.5) and at the limit of the plume and adjacent atlantic oceanic waters (S > 34.5) in the successives years 1998 and 1999. These blooms were initiated by the occurrence of short anticyclonic windows in winter, acting on physical processes which dominate the evolution and characteristics of the Gironde plume (runoff, wind direction and speed) and, ultimately, on the evolution of the depth of the mixed layer (haline stratification) and available light (decrease of turbidity).
The algal growth was actually phosphorus limited in the typical waters of the plume at the end of the winter bloom, in spring and became nitrogen and phosphorus limited in summer until the first autumn gales restored the nutritive balance. More oceanic waters (S > 34.5) were probably N+P limited from the end of the winter-the beginning of spring to autumn. Phosphorus limitation of winter blooms, associated with girondine unbalanced nutritive supplies (high NO3/PO4 ratios) favoured the development of small cells at the beginning of spring and the later presence of spring blooms (June 1998, late May 1999) composed of pico and nanophytoplankton (nanoflagellates), instead of typical diatom spring blooms for temperate waters. This size reduction of algal communities is strongthened by the competition between phytoplankton and bacteria for the phosphate uptake, bacteria being more competitives at low concentrations and being phosphorus limited sometimes in spring. The decreasing size of algal cells probably acted on the structuration of the whole food web.
The study of the different forms of phosphorus displayed the importance of the Dissolved Organic Phosphorus (DOP) pool. The potential biological lability and the capacity of algae and bacteria to use the DOP in spring when phosphate are undetectable was shown by the very high specific activities of alkaline phosphatases and the very rapid cycling of phosphate monoesters. According to the few estimations of actual phosphatasic activity and phosphate assimilation fluxes, the hydrolysis of DOP associated with the coupled assimilation of liberated phosphate would represent 91 to 99 % of the phosphorus fluxes into algal and bacterial cells when phosphate were exhausted. In such conditions DOP could satisfy most of microorganisms phosphorus needs.
Keyword(s)
Bay of Biscay, Gironde, phytoplankton, bacteria, phosphate, dissolved organic phosphorus, phosphatases
Labry Claire (2001). Dynamique du phosphore et rôle comme facteur limitant de la production planctonique dans le panache de la Gironde sur le plateau continental Sud Gascogne. PhD Thesis, Université de la Méditerranée. https://archimer.ifremer.fr/doc/00013/12463/