Historique de la raréfaction des poissons marins (incidence des activités de pêche sur les poissons dans les eaux marines d'Arcachon du 18eme siècle a nos jours)
Au 18ème siècle, dans la moitié sud du golfe de Gascogne, caractérisée par un plateau continental plus étroit, le bassin d'Arcachon, vaste lagune ouverte sur la mer, était considéré par Le Masson du Parc (1727) comme "un des plus poissonneux que l'on puisse voir". L'auteur écrivait que de "mémoire d'homme" le niveau des captures n'avait pas sensiblement diminué. Environ 500 marins péchaient presque exclusivement dans le Bassin à la saison chaude. La moitié d'entre eux sortaient en mer capturer du poisson à la saison froide, les autres récoltant les coquillages dans la lagune. Des données postnapoléoniennes montrent d'après l'importance de sa population maritime, que le Bassin était la pêcherie la plus importante de la côte Atlantique française tout au moins de la Loire aux Pyrénées.
La pêche en mer, s'effectuant à bord de chaloupes à voiles non pontées, était extrêmement dangereuse. Les naufrages étaient fréquents. Certains étaient d'une ampleur catastrophique. L'un deux fût à l'origine de la fabrication du premier bateau à vapeur et à aubes lancé dès 1837. En 1853, des signes de surexploitation dans le Bassin sont signalées par Laporte. L'industrialisation de la flottille commence en 1863. L'appauvrissement des fonds chalutables se fait sentir dès 1892. Cela n'empêche pas le port de se développer considérablement vers la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle. Arcachon est alors le second port de France, le premier était Boulogne-sur-Mer. Après la première guerre mondiale, Arcachon sera supplanté par La Rochelle. En 1931, c'est la première crise grave. Les faillites se multiplient. L'arrêt des pêcheries pendant la seconde guerre mondiale permettront aux populations de poisson de se reconstituer en partie. En 1951, une nouvelle crise frappe la flottille arcachonnaise.
Au 18ème siècle, les espèces cibles de la pêche en mer étaient en novembre-décembre le marsouin, le squale bouclé, l'ange de mer, les pocheteaux et les raies, de janvier à mars les raies et les turbots, tous des poissons de grande taille. Elles étaient capturées alors avec des filets, filets droits à une seule nappe ou tramail à 3 nappes. Il existait même un engin spécial pour prendre l'ange de mer et ure technique particulière pour le ramener vivant. Cette pêche sera sensiblement la même jusqu'au milieu du 19ème siècle et l'adoption du chalut avec les chaloupes pontées, puis les chalutiers à vapeur. Après plus d'un siècle d'exploitation industrielle, que sont devenues les espèces cibles du 18ème siècle. Le marsouin observé qu'exceptionnellement entre Loire et Gironde semble avoir disparu dans la partie sud du golfe de Gascogne, le squale bouclé devenu assez rare à Arcachon dès 1881, dans l'ensemble du golfe de Gascogne dès 1893, est devenu très rare, seulement 6 exemplaires signalés depuis le début du 20ème siècle. L'ange de mer dont on prenait environ 25 tonnes par an au milieu du 19ème siècle, ne se capture plus qu'en très faible quantités en moyenne moins de 50 kg par an au cours des 5 dernières années. Les pocheteaux n'apparaissent plus dans les statistiques de pêche d'Arcachon. Les raies qui, en 1921, atteignaient presque le quart (23,8 %) des captures totales sont devenues économiquement négligeables (en moyenne seulement 0,45 % des captures de 1975 à captures de 1975 à 1989) les grandes espèces comme la raie lisse ayant été plus touchées que les petites comme la raie fleurie.
L'étude des variations d'abondance de toutes les espèces signalées dans les pêches à Arcachon montrent que ce sont surtout les poissons cartilagineux (requins et raies) de grande taille, vivant sur le fond, qui sont les plus menacés par l'exploitation de l'homme. Cela se comprend lorsque l'on connaît leur faible taux de reproduction et la grande taille des jeunes dès leur naissance qui ne leur permet pas d'échapper aux engins de pêche. Notons que parmi les poissons osseux, certaines espèces de grondins, principalement le grondin lyre, semblent avoir mal résisté à la pêche. Ce sont également des espèces qui vivent sur le fond.
Les grands poissons cartilagineux de fond sont-ils condamnés à disparaître ? Probablement si rien n'est fait pour les protéger. L'augmentation du pourcentage de raies dans les captures, atteignant plus de 20 % de la pêche totale, en 1945 après 4 années de guerre et les fortes captures à bord de navires océanographiques de certaines espèces côtières dans des baies interdites au chalutage montrent que des réserves d'une certaine importance seraient nécessaires pour leur sauvegarde et cela dans les trois grandes régions biogéographiques européennes où vivent des espaces différentes.
Quero Jean-Claude, Cendrero Orestes (1995). Historique de la raréfaction des poissons marins (incidence des activités de pêche sur les poissons dans les eaux marines d'Arcachon du 18eme siècle a nos jours). Ref. Contrat PEM/93/009. https://archimer.ifremer.fr/doc/00017/12803/