| Résumé |
L'étude des processus de transferts de matière et d'énergie dans les écosystèmes côtiers a été abordée par le biais de l'analyse du fonctionnement des écosystèmes conchylicoles où ces transferts sont amplifiés en raison d'une très forte biomasse monospécifique, concentrée dans un espace restreint. La biodéposition représente le vecteur principal de transfert entre le compartiment pélagique ou benthique "suspendu" et le compartiment benthique sensu stricto. Dans les conditions typiquement méditerranéennes, les études concernant l'émission des fèces et pseudo-fèces sont rares. Pour combler cette lacune et apporter un élément supplémentaire à la connaissance du fonctionnement de tels écosystèmes, une étude in situ de la biodéposition a été entreprise dans deux sites type : une baie largement ouverte: l'Anse de Carteau (Golfe de Fos) et une lagune semi-fermée : l'Etang de Thau. Les mollusques élevés sur cordes suspendues sont de deux types: Crassostrea gigas et Mytilus galloprovincialis à Thau et M. galloprovincialis à Carteau. Cette étude comprend deux volets qui sont, d'une part, la quantification de la biodéposition et celle de ses inter-relations avec les paramètres environnementaux et, d'autre part, le devenir des biodépôts dans le milieu en terme d'évolution biochimique et d'exportation. Le suivi saisonnier de l'évolution de la biodéposition entre fin 1985 et 1987, a permis de définir une relation linéaire à deux facteurs valable pour M. galloprovincialis, élevée sur corde en condition méditerranéenne : BO (mgOrg.g-1.d-1) = 6.35 [MOP (mg.l-1)] + 0.97 [VIT (cm.s-1)] + 1.91 où BO, MOP et VIT représentent respectivement la biodéposition organique par g de chair sèche de moule et par jour, la matière organique particulaire et la vitesse du courant. La comparaison des mesures de biodéposition d'huître et de moule permet de signaler une différence dans le comportement trophique de ces deux mollusques. Pour les plus fortes charges sestoniques rencontrées dans l'étang de Thau, un g de chair d'huître émet plus de fèces et pseudo-fèces dans le milieu que son équivalent moule. A partir des relations linéaires entre BO et la Chlorophylle a, définies respectivement pour les moules et les huîtres, une carte représentant l'impact de la biodéposition organique sur le taux de sédimentation organique a été tracée pour l'étang de Thau. Une amplification d'un facteur 3 à 4 de ce taux de sédimentation, dans les zones conchylicoles, est la conséquence de l'élevage de ces mollusques. Dans le cadre d'un bilan de production portant sur un cycle d'élevage de la moule sur une période de 480 jours pour un cube de 5x5x3 m (soit 75 m3), la biodéposition représentre 11.4 t de matière sèche correspondant à 1.86 t de matière organique contenant 10.20 109 J, sédimentant sur une surface de 25 m2environ. L'évolution des biodépôts a été suivie in situ, d'une part, en mesurant la variation qualitative d'un sédiment enrichi en biodépôts de moules pendant une période de 60 jours, et d'autre part, en estimant les flux à l'interface eau-sédiment dans les zones conchylicoles. Le premier point permet de définir que les processus de minéralisation de la fraction soluble des biodépôts semblent se dérouler en 15 jours en faisant intervenir, pour une grande part, le compartiment bactérien. Le second point, en agrément avec le premier, démontre que les flux de nutriments (NH4, Si(OH)4 et PO4) sont amplifiés sous les installations conchylicoles de Carteau. Globalement, l'examen des échanges azotés à l'interface eau-sédiment fait apparaître un déficit aux dépens de la colonne d'eau. En effet, le sédiment piège la matière organique sédimentée qui peut être l'objet d'un remaniement à plus long terme. L'hydrodynamisme de l'Anse de Carteau, décrit par une modélisation numérique bidimensionnelle, démontre l'existence d'un régime de circulation cellulaire s'établissant dans des conditions de vents de mistral et de SE établies, situations très fréquentes dans ces régions. Les conséquences au niveau du fonctionnement de l'écosystème sont, d'une part, une faible probabilité des phénomènes d'exportation de matière et d'énergie vers la mer ouverte, et d'autre part, la nécessité de considérer dans l'ensemble des bilans, la production régénérée pour expliquer le caractère eutrophe de cette zone, la rapprochant des conditions lagunaires. |
