Méthodes d’évaluation de l’impact de pesticides sur le phytoplancton marin et le naissain d’huître creuse
L’objectif principal de cette thèse était d’étudier l’impact de pesticides sur les communautés naturelles de phytoplancton côtier et sur le naissain d’huître creuse, en microcosmes in situ. Les communautés microbiennes (<200 µm) ont été exposées à six pesticides (quatre herbicides, un insecticide et un fongicide) à 0.1, 1, 10 et 100 µg/L de substance active, lors de dix expérimentations in situ. Le contenu des microcosmes a été analysé par trois méthodes :
– la « Temporal Temperature Gradient gel Electrophoresis » (TTGE), ou gel d’éléctrophorèse avec gradient de température dans le temps, permettant d’obtenir les empreintes génétiques des communautés procaryotes (avec l’ADN codant pour l’ARN ribosomal 16S) et eucaryotes (avec l’ADN codant pour l’ARN ribosomal 18S) ;
– la cytométrie en flux, qui permet de discriminer certaines populations photosynthétiques en fonction, notamment, de leurs signaux d’autofluorescence ;
– la Chromatographie Liquide Haute Pression (HPLC), permettant d’obtenir les empreintes pigmentaires des communautés photosynthétiques.
Des observations microscopiques ont complété l’analyse de certaines expériences. Les principaux résultats obtenus suggèrent une meilleure sensibilité de la TTGE pour la détection d’effets sur la structure de l’ensemble des communautés eucaryotes ou procaryotes, comparée aux deux autres méthodes qui concernent plus spécifiquement les communautés photosynthétiques.
Parmi les six formulations commerciales testées à 0.1 µg/L, aucun effet n’est détecté. Par contre, quatre formulations sont susceptibles de représenter un danger pour les communautés microbiennes à partir de 1 µg/L : les herbicides Basamaïs (bentazone), Roundup (glyphosate), Frontier (diméthénamide), ainsi que l’insecticide Dursban 4 (chlorpyrifos).
L’herbicide Basamaïs et le fongicide Opus ont été testés sur le naissain d’huître creuse, seuls à 10 et 70 µg/L, et en mélange à 10 µg/L chacun, au cours d’une expérimentation in situ. Les résultats obtenus démontrent un effet synergique des deux pesticides en mélange à 10 µg/L : la croissance du naissain est réduite de moitié, alors qu’elle n’est pas affectée par les pesticides seuls à 10 µg/L.
Cette thèse permet d’illustrer les dangers potentiels représentés par certains pesticides en milieu côtier, en particulier par le Roundup dont les effets apparaissent pour des concentrations testées proches des concentrations environnementales. Les résultats obtenus sur le naissain posent la question des interactions entre molécules et donc de la pertinence des seuils de toxicité réglementaires pour les substances seules, alors même que ces seuils peuvent être différents lorsque des interactions se produisent dans l’environnement.
The main goal of this work was the study of pesticide effects on natural communities of coastal phytoplankton and oyster spat, using in situ microcosms. Microbial communities (<200 µm) were exposed to six pesticides (four herbicides, one insecticide and one fongicide) at four concentrations (0.1, 1, 10 and 100 µg/L of active substance) during ten in situ experiments. The microcosm content was analysed using three methods:
– Temporal Temperature Gradient gel Electrophoresis (TTGE) provides prokaryote (16S DNA) and eukaryote (18S DNA) community genetic fingerprints;
– flow cytometry allows the discrimination of photosynthetic populations according to their scatter and fluorescence signals;
– High Pressure Liquid Chromatography (HPLC) provides pigment fingerprints of the photosynthetic communities.
Microscopic observations were carried out for some experiments in order to provide further information. The main results suggest TTGE as the most sensitive method to detect pesticide effects on the whole prokaryote and eukaryote community structure, compared with the two others methods that only focus on photosynthetic communities.
No effect was detected when communities were exposed to the lowest concentration (0.1 µg/L) of each six pesticides. However, the three herbicides Basamaïs (bentazon), Roundup (glyphosate), Frontier (dimethenamid), and the insecticide Dursban 4 (chlorpyrifos) are likely to represent a danger for microbial communities from1 µg/L.
Young oyster spat was exposed in situ to the herbicide Basamaïs and the fongicide Opus separately at 10 and 70 µg/L, and to a mixture of Basamaïs and Opus at 10 µg/L each. The results show a synergistic effect of the mixture on spat growth, with treated spat growth being half the control value, when no effects were detected when both pesticides were tested separately at 10 µg/L.
This work shows that some pesticides can generate possible adverse effects in coastal areas. Roundup effects must be pointed out as they were detected at environmentally realistic concentrations. The results observed using oyster spat raise the issue of interactions between chemicals in the natural environment. Therefore, the relevance of reglementary toxicity thresholds, that do not include such possible substance interactions, should be re-examined.
Stachowski-Haberkorn Sabine (2008). Méthodes d’évaluation de l’impact de pesticides sur le phytoplancton marin et le naissain d’huître creuse. PhD Thesis, Université de Bretagne Occidentale. https://archimer.ifremer.fr/doc/00088/19879/