Les mortalités d'huîtres creuses (Crassostrea gigas) dans les Pertuis Charentais. Résultats de l'année 2008
Un épisode de mortalité d'huîtres creuses, d'une rare violence, a frappé le monde ostréicole au printemps – été 2008. Cette crise de mortalité a concerné les principales régions ostréicoles du littoral français et constitue très certainement la plus forte crise ostréicole subie par la profession depuis l'éradication de l'huître portugaise par un agent pathogène et l'importation de l'huître japonaise à la fin des années 1960.
Ce rapport constitue une synthèse régionale des mortalités d'huîtres creuses en 2008. Il effectue un bilan des mortalités à partir des constats et réseaux de mesures de la mortalité. La deuxième partie du rapport présente une analyse explicative de la mortalité.
Les principaux partenaires de cette étude sont :
- les professionnels ostréiculteurs
- le Comité Régional de la Conchyliculture en Poitou – Charente (CRC Poitou – Charente)
- la Direction Régionale des Affaires Maritimes de Marennes (DRAM)
- le Centre Régional d'Expérimentation et d'Application Aquacole (CREAA)
- les divers laboratoires régionaux de l'IFREMER (LGP et LERPC).
Les déclarations de mortalités d'huîtres, effectuées par les professionnels, représentent plus de 2700 observations et permettent une perception de la propagation de la mortalité dans les Pertuis Charentais; Les mortalités, centrées sur juin – juillet ont commencé à apparaître dès le début du printemps dans le pertuis Breton. Puis, l'extension des mortalités s'est généralisée à l'ensemble des pertuis au cours des mois de juillet et août, certainement en lien avec l'hydrodynamique et les transferts de cheptels. Par ailleurs, les campagnes de mesures de mortalités (Ifremer, SRC et DRAM ~ 350 mesures réalisées entre le 25 juillet et le 6 août) montrent que la mortalité touche d'abord le naissain, puis les huîtres de 2 et 3 ans dans des proportions respectives d'environ 52%, 39% et 15%. La mortalité "moyenne" des lots de naissain en provenance de captage est d'environ 57%, supérieure à celle du naissain issu d'écloserie (~ 48%). Ce résultat est à rapprocher du modèle Morest qui montre que la fenêtre de risque "ouverte" est maximale quand les huîtres sont en reproduction. Durant la période de mortalité, même les huîtres "stériles" (huîtres triploïdes), représentant environ 75 % des huîtres d'écloserie en 2008 (Dégremont, com pers) sont touchées par les mortalités.
Les spécificités de la mortalité estivale de l'année 2008 dans les Pertuis Charentais sont bien: (1) son intensité exceptionnelle sur le naissain; (2) l'identification très fréquente d'organismes pathogènes dans les lots subissant des mortalités; (3) une origine dans le pertuis Breton (au mois de mai) dans une eau à température de 15 - 17°C; (4) une transmission horizontale (très probablement) du nord vers le sud des pertuis; (5) elle touche également les huîtres triploïdes (produisant peu ou pas de gamètes).
Si les caractéristiques des conditions climatiques (hiver doux, printemps pluvieux) et hydrologiques particulières (chute du bloom phytoplanctonique), intègrent bien le modèle général de mortalité développé depuis quelques années et issu de Morest (fragilisation physiologique des cheptels), les conditions de déclenchement de cette mortalité "dérogent" en parti au modèle attendu [points (3) et (5) ci dessus]. En 2008, la "fenêtre de risque" vis à vis de la mortalité est bien "globalement ouverte" par la période de maturation, et lors du franchissement de la température seuil de 19°C, mais avec des "spécificités" discutées dans ce rapport.
Soletchnik Patrick, Le Moine Olivier, Robert Stephane (2008). Les mortalités d'huîtres creuses (Crassostrea gigas) dans les Pertuis Charentais. Résultats de l'année 2008. Ref. ODE/LER/LERPC 2018. https://archimer.ifremer.fr/doc/00154/26502/