Les risques conchylicoles en Baie de Quiberon. Troisième partie : le risque d’hypoxie pour l’huître creuse Crassostrea gigas. Rapport final du projet Risco 2010-2013

L’étude « Risco », labellisée par le Pôle Mer et financée par la région Bretagne, a révélé un facteur insoupçonné d’altération des résultats d’élevage ostréicole en baie de Quiberon (France, 56): l’hypoxie. Elle a ainsi fourni une explication convaincante des mortalités anormales observées sur les huîtres adultes l’été 2006. Le modèle biogéochimique appliqué sur la période 2000-2006 a mis en évidence plusieurs épisodes d’hypoxie d’intensité variable selon les années, mais très géolocalisés. Parmi eux, celui de 2006 s’est avéré exceptionnel, tant par son emprise spatiale que par son intensité. L’hypoxie de 2006 résulte de la conjonction rare de plusieurs phénomènes : (a) un upwelling local généré par des vents de nord-ouest en période de morte-eau ; (b) des eaux côtières anormalement chaudes ; (c) probablement un fort bloom estival de phytoplancton. Du fait de la stratification induite, la consommation d’oxygène au niveau du fond excède alors son renouvellement. Le secteur profond et envasé, à l’est de la zone concédée, est particulièrement affecté en raison de la géomorphologie de la baie de Quiberon. L’analyse du fonctionnement hydrodynamique à l’échelle du Mor Bras montre par ailleurs qu’il n’y a pas d’importation d’eau hypoxique depuis la baie de Vilaine, ceci quel que soit le régime de vent et de marée. La diminution de la teneur en oxygène dissous apparaît responsable de ralentissements de croissance des huîtres même en année peu hypoxique (comme 2010). C’est probablement le facteur explicatif des déficits de croissance marqués chez les huîtres au sol (par rapport aux huîtres en surélévation). En situation d’hypoxie extrême (année 2006), les huîtres des deux classes d’âge subissent des mortalités. Les huîtres d’un an paraissent plus affectées par le déficit d’oxygène, tant en croissance qu’en mortalité (étude 2010). Cette étude permet d’évaluer le risque d’hypoxie (sa probabilité d’occurrence, sa répartition géographique) et d’orienter les mesures préventives applicables en conchyliculture telles que la répartition des stocks en élevage ou l’entretien des parcs. L’incidence sur les peuplements naturels et les ressources exploitées, peut également être mieux prise en compte, à l’échelle du Mor Bras. Plus généralement, une meilleure connaissance des effets de l’hypoxie fournit des arguments en faveur du contrôle de l’eutrophisation (limitation des apports en nutriments par les bassins versants…).

Mot-clé(s)

baie Quiberon, Crassostrea gigas, huître, mortalité, croissance, hypoxie, oxygène, modèle, upwelling, Loire, Vilaine

The project “Risco”, supported by the “Pôle Mer” and funded by the Regional Council of Brittany, deals with specific risks of mortality of oysters, Crassostrea gigas, cultivated on the bottom, in a subtidal bay of South Brittany : the bay of Quiberon (56, France). Massive mortalities of oysters were reported in summer 2006 in this bay, exclusively located in the deep muddy area with a positive gradient eastward. A validated biogeochemical model was applied in order to simulate the dissolved oxygen over 2000-2006 : it revealed several episodes of hypoxia, more or less intense according to years, but with the same spatial distribution. This approach proved 2006 to be the most hypoxic year since 2000. The hypoxia was due to a rare conjunction of 3 factors : (a) a local upwelling generated by north-west winds, during a neap tide; (b) an abnormal high temperature of coastal waters; (c) probably an intense phytoplankton bloom in summertime. Due to the stratification induced, oxygen consumption near the bottom exceeded its renewal. The hydrodynamism of Mor Bras, at a larger scale, excludes any import of hypoxic water from the nearby “Baie de Vilaine”, whatever the wind or tide regime. The simulated hypoxia area fitted fairly well to the 2006 mortalities. In 2010, experimental oysters deployed at 15 stations and monitored monthly, exhibited also a lower growth rate in the same area, in spite of higher chlorophyll concentration. The application of a Dynamic Energy Budget (DEB) model to growth data confirmed the responsibility of hypoxia in abnormally slow growth rates. So hypoxia may be considered as a stressful factor limiting growth prior to mortalities. It may be concluded from our study that hydro-climatic and trophic conditions have the capacity to deplete oxygen in bottom coastal zones with possible consequences on biotopes and cultivated species: farm yields may be severely affected. This study will allow to manage more closely the commercial risk of shellfish farming at spatial and temporal scale.

Keyword(s)

Quiberon, Crassostrea gigas, oyster, mortality, growth, hypoxia, oxygen, model, DEB, upwelling, Loire, Vilaine

Texte intégral

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Comment citer
Stanisiere Jean-Yves, Mazurie Joseph, Bouget Jean-Francois, Langlade Aime, Gabellec Raoul, Retho Michael, Quinsat Kevin, Leclerc Emilie, Cugier Philippe, Dussauze Morgan, Menesguen Alain, Dumas Franck, Gohin Francis, Augustin Jean-Marie, Ehrhold Axel, Sinquin Jean-Marc, Goubert Evelyne, Dreano Alain (2013). Les risques conchylicoles en Baie de Quiberon. Troisième partie : le risque d’hypoxie pour l’huître creuse Crassostrea gigas. Rapport final du projet Risco 2010-2013. Ref. RST/LER/MPL/13.21. Ifremer. https://doi.org/10.13155/29131

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