Réseau national d'observation de la moule bleue Mytilus edulis, MYTILOBS, Campagne 2014-2
Le réseau national Mytilobs est implanté dans les principales régions mytilicoles du littoral atlantique : Normandie, Bretagne Nord, Bretagne Sud, Pays de Loire et Poitou-Charentes. Les sites d’Agon (Ouest Cotentin), du Vivier (baie du Mont Saint-Michel), de Pont Mahé (baie de Vilaine), de l’Aiguillon (pertuis Breton), d’Yves (pertuis d’Antioche) représentent l'élevage sur bouchot du Nord au Sud. Le site Filière (pertuis Breton) représente l’élevage sur corde, en pleine eau. La mise à l’eau des cheptels sur l’ensemble des sites du réseau, en septembre 2013, s’est faite à partir d’un même lot de moules calibrées (23,97 +/- 0,7mm), captées sur corde dans le pertuis Breton. Les prélèvements de la campagne 2014 (septembre 2013-décembre 2014) sont trimestriels. La biométrie et la mortalité sont effectuées à chaque sortie. Cette campagne 2014 a été marquée par des événements climatiques remarquables avec un 3ème rang d’indices NAO+ cumulés depuis 150 ans pour la période automne 2013 - hiver 2014. L’hiver 2014 est également l’hiver le plus excédentaire en précipitations depuis 1954, marqué également par de nombreuses périodes de tempêtes et coups de vent (Météo France). Ces conditions ont favorisé des dessalures, des températures de l’eau élevées et des turbidités importantes pendant l’hiver 2014, à l’échelle de la façade Atlantique - Manche Ouest. Des mortalités massives sont apparues dans le pertuis Breton sur le site Filière. Les hypothèses relatives à l’émergence de ces mortalités se concentrent sur ce point de départ qui représente plus de 4000 tonnes de moules en élevage et où la mortalité a détruit 100% du cheptel. Alors que la baisse de salinité hivernale (25) n’est pas un facteur déclenchant de mortalité sur ce site, une rivière proche, la Sèvre, semble avoir joué le rôle de barrière dynamique au début de la diffusion des mortalités. Les températures supérieures à 10°C en janvier (pendant 20 jours) ont pu favoriser la maturation et la pontes de moules, particulièrement sur le site Filières. Ces observations, en lien avec les conditions climatiques difficiles évoquées ci dessus, conduisent à émettre l’hypothèse d’une fragilité des moules autour de la période de maturation, facilitant d’éventuelles intrusions bactériennes (affaiblissement hémocytaire, MOREST, 2007 cas de l’huître Crassostrea gigas). La diminution de l'intensité des mortalités, entre mars et juin, l'observation d'un captage régulier dans les deux pertuis (source Creaa), le constat de l'absence de mortalités des naissains en élevage jusqu'en décembre 2014 et l’identification d’une bactérie pathogène de type Vibrio splendidus (Travers, 2014) confortent cette hypothèse. Aucun parasite (Martelia), ni virus n’ont été identifiés. Par ailleurs, les pertes importantes de poids sec de chair en hiver, et les croissances en longueur réduites, relèguent l’indice de Walne et Mann sur les bouchots de l'Aiguillon et Yves à des valeurs de 78 et 72, parmi les plus faibles enregistrées dans les pertuis Charentais (Remoula 2000-2010). Contrairement aux sites océaniques du Vivier et d’Agon, ces indices révèlent probablement une "souffrance physiologique" plus importante sur ces sites durant l’hiver 2014. Apparues mi-mars, dans le Nord du pertuis Breton les mortalités ont diffusé vers le Sud où elles persistaient encore dans le pertuis d’Antioche en juin. L’importance des mortalités diminue au fur et à mesure que l’on s’écarte du foyer d’origine Filière du pertuis Breton et que l’on s’éloigne de la période de maturation (mars-juin). Le gradient de mortalité s’étale du Nord : Filière (98%), au Sud : Yves (50%), Boyard (20%). Les mortalités dans les pertuis Charentais sont estimées à 7000 à 9000 tonnes. D’autres mortalités importantes ont eu lieu sur le site d’Agon ; 50% au mois décembre. Cette mortalité, régulière dans le temps a pour origine les bigorneaux perceurs Nucella lapillus.
Pour la campagne 2014, le réseau Mytilobs a joué son rôle de sentinelle active. Il a complété et renforcé l’expertise environnementale sur les mortalités massives de moules, engagée en 2014 (Bechemin 2014, Travers 2014). Pour 2015, il doit s’activer comme interface efficace, s’associer et accompagner les programmes de recherche qui se développent pour comprendre ce phénomène de mortalités massives de moules dans les pertuis Charentais et au-delà sur le littoral atlantique.