Comme de nombreuses espèces d’invertébrés marins natifs de nos côtes, le pétoncle noir (Mimachlamys varia) connaît, depuis 30 ans, une très forte diminution de son abondance avec une disparition progressive des gisements sauvages autrefois réputés. Dans ce contexte, le développement d’une activité de « Sea ranching » peut être une piste intéressante pour soutenir certaines pêcheries côtières, comme c’est le cas pour la coquille Saint Jacques en rade de Brest depuis les années 1990. L’objectif du projet DIRAPEN était donc de lancer à nouveau, en 2015 et sur le site pilote de rade de Brest, des opérations de semis de naissains de pétoncles noirs afin d'étudier les conditions d’un soutien au stock pour cette espèce. Ce rapport présente l’accompagnement scientifique de ces opérations de semis autour de trois grandes étapes : 1) la recherche préliminaire des zones favorables au semis de pétoncle en rade de Brest, 2) l’analyse des opérations d’ensemencement sur chaque site pilote et 3) le suivi temporel de l’évolution des densités et de la croissance des pétoncles semés. Trois zones pilotes ont donc été choisies en rade de Brest : (1) une zone a priori peu favorable sans présence naturelle de pétoncles et sans support de fixation (Kerdrein), (2) une zone favorable avec présence naturelle de pétoncles et de supports de fixation (Roscanvel) et (3) une zone très favorable avec présence naturelle de pétoncles et de supports de fixation enrichie en grosses coquilles d’huitres creuses (Roz). Sur chacune de ces zones, des naissains (12 mois, 22 mm) produits à l’écloserie du Tinduff (Finistère) ont été semé à raison de ~ 20 pétoncles /m2 sur un carré de 1 hectare. La densité, la survie et la croissance de ces pétoncles ont été suivis en plongée sur 1 an. Les résultats montrent clairement que la réussite du semis et donc la densité finale en pétoncles est directement corrélée à la densité initiale en supports et abris présents sur le fond. Sans l’ajout de supports et d’abris supplémentaires, les pétoncles semés ne trouvent pas suffisamment de refuges et font l’objet de prédations multiples (dorades et étoile de mer) soit dés le début si il n’y a pas du tout de supports naturels (Kerdrein), soit au fur et à mesure de leur croissance si la capacité d’accueil des supports est trop restreinte ou si ceux-ci sont déjà naturellement occupés (Roscanvel). Ainsi, sur le site pilote du Roz, site sur lequel des coquilles d’huitres creuses ont été ajoutées aux supports naturels déjà présents, la densité 1 an après le semis est de 8,4 pétoncles par m2 alors qu’elle n’était que 1,5 avant les opérations de semis : cette densité a été multipliée par un facteur 6. Sur les autres secteurs, la densité à 1 an est revenue à la valeur observée avant les opérations, le semis n’ayant pas eu d’effet significatif sur le long terme. Au delà de la démonstration de faisabilité de l’activité de « sea ranching » pour le pétoncle noir en rade de Brest, sous certaines conditions (présence ou dépôts d’abris sur le fond), l’action DIRAPEN a aussi démontré le rôle positif lié à l’enrichissement en supports coquilliers d’un site dégradé. Cet enrichissement en support de fixation est à l’origine d’un cercle vertueux de restauration marine côtière : la création de ces « mini-récifs » sur le fond présente de réels avantages pour le pétoncle, mais aussi pour d’autres bivalves d’intérêt (ici l’huitre plate, Ostrea edulis) et pourrait permettre à terme une augmentation de la biodiversité benthique tout en rendant des services écosystémiques (environnement, pêche, conchyliculture, cueillette récréative et plongée sous marine).