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CAPES "CApacité trophique des nourriceries de Poissons de l’Estuaire de Seine"
Les estuaires sont des zones qui jouent un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes marins, notamment au travers de leur fonction de nourricerie. L’estuaire de la Seine agit ainsi comme nourricerie pour plusieurs espèces de poissons, en particulier le bar, le merlan, la sole et la plie. Ces quatre espèces d’intérêt halieutique ont donc été ciblées dans le projet CAPES. Les nourriceries agissent comme des zones tampons : seul un certain nombre d'individus survivra au premier été. Ce nombre est défini par les caractéristiques de la nourricerie (i.e. capacité d’accueil). Compte tenu des profondes modifications morphologiques subies et des conséquences induites sur les différents habitats de l’estuaire externe de la Seine, il est essentiel d’en appréhender le fonctionnement de cet écosystème pour comprendre si ces modifications ont altéré le rôle de nourricerie. Dans le cadre du projet CAPES, nous avons abordé cette capacité d’accueil via le volet trophique en testant l’hypothèse que les ressources alimentaires sont limitantes et jouent un rôle de régulation des abondances de juvéniles de poissons. Nous nous sommes intéressés à la variabilité et la connectivité des différents habitats de l’estuaire externe de la Seine. Les objectifs du projet étaient (1) de décrire et quantifier la variabilité inter-habitats (Fosse Nord, Fosse Sud, Embouchure, Chenal de navigation et Vasières Nord intertidales) et temporelle (interannuelle et saisonnière) des différentes composantes biologiques (méiofaune, zooplancton, suprabenthos, macrofaune benthique et poissons) de l’estuaire externe de la Seine, (2) de décrire le fonctionnement trophique des différents habitats, afin d’identifier des habitats à fortes contributions trophiques pour les différentes espèces étudiées, et (3) d’estimer la capacité trophique à l’échelle des habitats sur plusieurs années et entre deux saisons pour identifier les habitats en limitation trophique potentielle et également la période à laquelle s’effectue cette limitation trophique (i.e. printemps vs fin été). Le projet CAPES comportait un effort conséquent en termes d’échantillonnage et d'analyse de prélèvements biologiques. Ces prélèvements ont pu d’ailleurs alimenter les projets Plastic- Seine et CHOPIN (portant sur l’influence de la contamination chimique du réseau trophique et du cycle de vie de la sole). Afin de répondre à des questions sur la variabilité interannuelle, nous avons également utilisé les données du suivi du GPMH, celles issues du projet COLMATAGE (GIP SA-4) ainsi que celles provenant d’autres études antérieures (Mouny, 1998). Globalement, l’année de l’échantillonnage de CAPES (2017) est marquée par de faibles débits, dans la continuité de ceux observés depuis un peu plus d’une décennie. Ces conditions environnementales ont des conséquences fortes, notamment sur la Fosse Nord qui a vu sa situation évoluer de zone méso-haline à zone polyhaline. Bien que certaines composantes écologiques comportent peu de données historiques pour une comparaison robuste, le constat est le même : l’année 2017 est caractérisée par de faibles valeurs (diversité, biomasses et/ou densités, productions) sur l’ensemble des composantes étudiées. Malgré ces faibles biomasses et productions, le printemps est généralement identifié comme plus productif que la fin de l’été/début automne. Par ailleurs, la variabilité spatiale inter-secteurs montre des valeurs de densités et/ou production entre 3 (zooplancton) et 100 fois (macrofaune) plus élevées sur les vasières Nord intertidales que sur les autres habitats. Ces valeurs sont particulièrement fortes au printemps. L’embouchure présente systématiquement de fortes densités de poissons et valeurs de production de la faune macrobenthique. Un schéma d’utilisation des secteurs de l’estuaire externe de la Seine pour les quatre espèces étudiées dans le projet a été produit afin de résumer les connaissances acquises via les résultats des modèles de mélange isotopiques que nous avons spatialisé (Figure 1). En effet, les analyses ont été réalisées, d’une part, sur les différences de signatures isotopiques entre les proies potentielles des juvéniles et les poissons selon les différents secteurs et, d’autre part, sur les différences de composition faunistique entre les contenus digestifs et les communautés benthiques. Les résultats soulignent une première différence marquée entre les poissons plats (sole et plie) et les poissons ronds (bar et merlan). Les poissons plats se nourrissent localement sur des proies disponibles principalement dans l'habitat dans lequel ils sont capturés, suggérant un comportement alimentaire nécessitant peu d'énergie pour se déplacer. Le bar se concentre dans les habitats en amont, les proies provenant des vasières intertidales du Nord de l’estuaire représentant près de la moitié de son régime alimentaire. Le merlan a une stratégie d'alimentation ubiquiste, suggérant qu'il peut cibler les proies présentant un fort gain énergétique dans les différents habitats. Par conséquent, les habitats ont été utilisés simultanément pendant la même saison ou de manière asynchrone tout au long de l'année par les juvéniles, ce qui ne suggère aucune préférence pour un habitat spécifique à l'échelle de la communauté. Une des originalités de cette approche spatialisée par traceurs trophiques (i.e. signatures isotopiques et/ou contenus digestifs des habitats) est qu’elle permet d’estimer la contribution trophique de habitats impossibles au chalutage comme les vasières Nord intertidales. En effet, les traceurs trophiques ont montré l'importance des vasières intertidales, en particulier pour le bar et la sole commune, avec des contributions atteignant respectivement la moitié et les deux tiers de leur alimentation.
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