Marqueurs de vulnérabilité de populations de flet identifiés par la protéogénomique : de nouveaux outils pour estimer l’état écologique des systèmes estuariens

La qualification de l’état écologique des estuaires, en réponse aux préconisations de la DCE, demeure un exercice très difficile en Europe, de par la complexité de ces écosystèmes qui présentent notamment une variabilité temporelle naturelle forte des paramètres hydromorphologiques, physico-chimiques et biologiques. Par ailleurs ces hydrosystèmes présentent une anthropisation massive se traduisant par des modifications profondes de l’habitat tant physique que chimique, depuis plus d’un siècle. Aussi, si différents estuaires sont considérés comme significativement altérés dans leur fonctionnement écologique, on ne connaît que rarement la nature et l’importance relative des différents stresseurs qui interagissent dans ces milieux ; pour faire une analogie avec le milieu médical : « on sait que le patient est malade, mais on ne sait pas toujours quelles sont les causes de la maladie ».
A l’échelle locale des estuaires, l’anthropisation se traduit notamment par : (1) une perte des habitats intertidaux liés aux aménagements portuaires et à la canalisation, (2) une modification des régimes hydriques liée à des régulations hydrauliques en amont, (3) un risque chimique lié aux rejets des effluents domestiques et industriels, et à la pollution diffuse dans les bassins versants (pesticides d’origine agricole, pollution d’origine routière, …), (4) une eutrophisation des eaux induite par un excès de nitrates pouvant conduire à une surproduction d’algue verte, un dérèglement de la production en phytoplancton, et au final à un risque hypoxique lié à la dégradation de la matière organique sur le fond par les bactéries.
A l’échelle globale, sous l’impact des changements climatiques, les estuaires sont fortement exposés à d’autres facteurs de forçage : (1) des épisodes de stress thermique en saison estivale, (2) une modification profonde des débits fluviaux, avec une augmentation de la fréquence des épisodes de crue et/ou d’étiage sévère, et une salinisation plus poussée des systèmes estuariens.
Le projet POPEST vise à identifier les principaux stresseurs qui interagissent dans des estuaires de grande taille (Seine), comme de petites tailles (Canche, Penzé, Horn, Aven, Scorff, Noyalo). Ce travail, conduit par le laboratoire LEMAR (Institut Universitaire Européen de la Mer, Plouzané) développe une approche de biologie des populations portant sur un poisson estuarien modèle : le flet, considéré comme un très bon enregistreur des dégradations environnementales dans les estuaires européens (Figure 1). Le LEMAR explore dans ce projet le potentiel notamment des méthodologies dites « omiques », pour identifier de nouveaux gènes et protéines impliqués dans la réponse du flet aux stresseurs ; il intègre ces réponses moléculaires à des marqueurs physiologiques sur le poisson, pour évaluer le niveau de vulnérabilité de différentes populations estuariennes. Enfin, un couplage est réalisé entre : (1) les données biologiques acquises sur le flet, (2) des données sur la chimie des polluants dans les sédiments et le biote, et (3) des métriques géographiques sur les usages des sols dans les bassins versants.

Comment citer
Pichereau Vianney, Laurent Jennifer, Borcier Elodie, Laroche Jean (2021). Marqueurs de vulnérabilité de populations de flet identifiés par la protéogénomique : de nouveaux outils pour estimer l’état écologique des systèmes estuariens. Ref. Rapport final sur le Projet : POPEST (1er Juillet 2021). OFB. https://archimer.ifremer.fr/doc/00737/84857/

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