Dynamiques de matières en suspension en zone côtière et estuarienne

La zone côtière représente l’interface entre les surfaces continentales et le milieu océanique, entre l’Homme et l’Océan. Parmi la diversité des zones côtières, les estuaires et leurs mers adjacentes concentrent les plus grands enjeux, les gradients les plus forts et les pressions les plus diverses. Ces zones abritent un écosystème riche, fragile et complexe, au sein duquel les différents compartiments, hydrodynamique, sédimentaire, biogéochimique, biologique et chimique, mais également l’activité humaine directe ou indirecte agissent et interagissent en boucle d’autorégulation, ou provoquent des changements d’état du système.

 

Les habitats sédimentaires de la zone côtière se caractérisent par la présence de sédiments mixtes, vases et sables issus des bassins versants ou en provenance des mers côtières. L’interaction forte entre hydrodynamique et dynamique sédimentaire se traduit par un cycle de processus, advection-chute-dépôt-érosion-resuspension-advection, qui contrôle les transferts sédimentaires le long du continuum terre/mer. Ces sédiments transitent et s’accumulent plus ou moins durablement au sein de l’estuaire et modèlent dynamiquement la morphologie et la nature des fonds.

 

Cette synthèse se focalise sur les processus et transferts intervenant dans la colonne d’eau, à travers l’étude de la dynamique des matières en suspension (MES) particulaires, d’origine minérales (sédiments fins) ou organiques. Cette problématique est abordée à travers trois échelles emboitées : la micro-échelle, représentative des particules ; la macro-échelle, caractéristique de la masse en suspension ; l’échelle des systèmes côtiers, et la compréhension des transferts terre/mer. Ces échelles sont traitées via une stratégie d’ensemble reposant sur le développement de méthodes d’observation, en laboratoire et in situ, d’analyse de signaux complexes et de modélisation des processus.

 

La dynamique micro-échelle est associée à l’examen des processus de floculation qui contrôlent les propriétés des agrégats en suspension et aux concepts théoriques comme l’approche fractale des flocs. Les études en microcosme à partir de MES naturelles ont permis de hiérarchiser les facteurs de contrôle : turbulence, concentration en MES, contenu en matière organique, salinité. Ce schéma conceptuel a été formalisé via le développement du modèle de floculation FLOCMOD, et confronté à la dynamique in situ observée par une stratégie de suivi long terme haute fréquence des particules en suspension le long du continuum terre/mer. Ces observations offrent également l’opportunité de discuter les hypothèses de l’approche fractale de structure des agrégats.

 

A l’échelle macroscopique, les populations de particules en suspension sont associées à une concentration massique au sein d’un volume d’étude, appréhendée empiriquement et qualitativement par la turbidité de l’eau. Nous nous intéresserons au défi que constitue la quantification de la concentration en MES, à partir de méthodes optiques et acoustiques. Le rôle de la dynamique à micro-échelle des particules est discuté, tant au niveau de la calibration empirique que de la compréhension des interactions ondes/particules. La notion d’incertitude de mesure, information complémentaire indispensable à la quantification des concentrations en MES, est également largement abordée.

 

La connaissance du comportement des particules en suspension combinée à l’observation de la variabilité spatio-temporelle de la concentration en MES permet in fine d’appréhender le fonctionnement hydrosédimentaire et le transfert de matières le long du continuum terre/mer. Cette problématique est abordée à travers l’étude de structures turbides emblématiques (bouchons vaseux ou panaches), et des flux sédimentaires. Différentes sources de données sur la dynamique de MES (réseaux de mesures HF, données satellite couleur de l’eau, résultats de modélisation) sont mobilisées de façon à examiner la dynamique sédimentaire au sein des systèmes côtiers, en s’intéressant notamment à l’influence des événements extrêmes, des forçages saisonniers et de leur variabilité interannuelle.

 

L’analyse critique de ces résultats ouvre vers différentes perspectives. La nature hétérogène des MES - sable, vase, matière organique – conduit à poser la question de leur contribution relative aux flux de matière, tant d’un point de vue théorique (approche fractale, conceptualisation des interactions), expérimental (comment les distinguer et les quantifier ?) que modélisation (comment reproduire les processus d’interactions sédiment/matière organique, vers quel couplage ?). L’effort porté sur le déploiement et le maintien de réseaux d’observation haute et basse fréquence, tout comme le développement des modèles hydro-sédimentaires le long du continuum bassin versant/mer côtière offrent l’opportunité (le défi ?) d’appréhender le système dans son ensemble, spatialement mais également dans un contexte de changement global, i.e. climatique, environnemental, économique et sociétal.

Texte intégral

FichierPagesTailleAccès
Version officielle éditeur
12593 Mo
Comment citer
Verney Romaric (2019). Dynamiques de matières en suspension en zone côtière et estuarienne. HDR. https://archimer.ifremer.fr/doc/00748/86022/

Copier ce texte