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Projet « SEARSÉ ». Programme « Au fil de l’eau ». Rapport final
1. Contexte
La Nouvelle-Calédonie (NC) est reconnue comme l’un des hot spots de la biodiversité mondiale avec une des richesses endémiques les plus élevées. Ce territoire possède le plus grand complexe corallien au monde, et près de 75 % de la surface des récifs et lagons des territoires français. L’exceptionnel état de sa biodiversité marine lui a valu une inscription en 2008 au Patrimoine Mondial de l’Humanité d’une grande partie de ses lagons. La NC est par ailleurs le siège de mutations démographiques, économiques et sociétales rapides. Si l’industrie minière a depuis un siècle façonné significativement les paysages terrestres et littoraux, il existe une volonté forte de diversifier l’économie du pays, de développer le tourisme et des filières pour aller vers plus d’autonomie. Il en résulte des pressions anthropiques croissantes sur les environnements terrestres et lagonaires, auxquelles viennent s'ajouter les conséquences encore mal connues du réchauffement climatique. Le maintien de l’intégrité de ce bien représente un enjeu important en termes de gestion. L’évaluation de l’état écologique doit tenir compte des diverses pressions d’origine humaine, de leurs impacts et de la variabilité naturelle des écosystèmes pour être en mesure d’adopter des mesures de gestion permettant de limiter, voire supprimer, toute dégradation. Les eaux des rivières peuvent contribuer à la dégradation de l’environnement littoral par transfert des matières accumulées lors de leur parcours. En effet, à leur arrivée dans le lagon, elles peuvent contenir de nombreux contaminants et polluants et présenter une forte turbidité en lien avec les processus d’érosion. Elles peuvent être ainsi une cause de dégradation des écosystèmes côtiers déjà soumis à de nombreuses pressions. Plusieurs questions se posent donc :
- Quelle est la qualité de l’eau aux embouchures et quel est l’impact des pressions humaines terrestres ?
- Que deviennent les eaux de rivières après leur arrivée dans le lagon ?
- Quels sont les risques pour l’écosystème lagonaire en cas d’apports terrestres excessifs ?
2. Objectif(s)
L'objectif de ce travail de recherche était d’apporter des connaissances aux décideurs et à la communauté scientifique. Dans le cadre d’une première action, il s’agissait de suivre pendant un an les caractéristiques de l'eau au niveau des exutoires de la Dumbéa, de la Coulée, de la Tontouta et de la rivière des Pirogues (fig. 2) et de quantifier les apports de ces rivières dans le lagon autour du grand Nouméa. Ce travail devait en outre permettre d'identifier une signature chimique et/ou biologique des cours d'eau pour être en mesure de tracer leur devenir dans le milieu marin. Dans le cadre d’une seconde action, l’objectif était d’étudier le devenir des eaux de rivière et de la matière associée (panaches) au sein du lagon et d’analyser les conséquences de ces apports sur le compartiment microbien. Ce compartiment qui est à la base de la chaîne alimentaire est celui qui réagit le plus vite aux perturbations environnementales.
3. Phase(s)
Pour répondre aux questions posées dans le cadre de la première action, nous avons prélevé près de 230 échantillons d’eau à l’embouchure des quatre rivières à partir de décembre 2018 pendant un an, et ce à raison d’une campagne tous les 15 jours. Lors du passage du cyclone Hola (mars 2018), nous avons collecté des échantillons tous les jours pendant une semaine. Les échantillons collectés ont été analysés au laboratoire en mesurant une quarantaine de paramètres (température, salinité, pH, oxygène dissous, nutriments, matières minérales et organiques, métaux…). Pour tracer le trajet des eaux de rivières dans le lagon, nous avons utilisé des bouées dérivantes (pendant et hors période de pluies) et collecté régulièrement des échantillons d’eau sur des stations fixes pour suivre de nombreux paramètres biotiques et abiotiques (fig. 3). La technique de l’ADN environnemental (marqueurs de la biodiversité) a été utilisée pour suivre la réponse des communautés microbiennes aux apports des rivières.
4. Résultats
Les principaux résultats que nous avons obtenus en étudiant l’embouchure de quatre rivières situées entre Païta et Le Mont-Dore sont les suivants :
- À l’embouchure, la qualité de l’eau aux exutoires varie en fonction des conditions hydrologiques. Il faut donc discriminer les périodes de faibles débits, des périodes de crue et de décrue. Toutefois, des changements notables peuvent apparaître lors d’événements climatiques particuliers. L’eau de rivière subit notamment des changements intenses et furtifs lors des cyclones ou des dépressions tropicales.
- Chaque rivière présente une identité biogéochimique unique liée à la nature géologique et biologique du bassin versant qu’elle traverse. En effet, chaque bassin versant possède un sol, un sous-sol et une biodiversité qui lui sont propres. Lors des évènements pluvieux, les reliefs sont érodés et la rivière s’enrichit d’une multitude de matières minérales et organiques. Nous montrons que la turbidité aux exutoires dépend des débits et que cette relation varie en fonction des bassins versants, possiblement en lien avec le niveau de couverture végétale.
- La nature et l’intensité des activités humaines présentes sur les bassins versants ont une influence sur la qualité des eaux. La Coulée est une rivière dégradée du fait des grands incendies qui se sont fréquemment produits sur la montagne des Sources (2005, 2019), de la forte urbanisation et de l’importante activité agricole du bassin Mont-Dorien.
- Il est aujourd’hui possible d’instrumenter les rivières pour mieux suivre les risques que font courir les activités humaines sur l’environnement côtier pour permettre la mise en place de mesures correctives adaptées. Le travail réalisé sur l’eau aux exutoires permet d’optimiser notre protocole d’échantillonnage des eaux en ciblant des périodes d’intérêt et certains paramètres pour en limiter le coût.
- Les communautés microbiennes en période sèche sont structurées en lien avec un gradient côte – large. L’arrivée de l’eau de rivière dans le lagon exerce une influence forte sur cette structure et au final sur la qualité des eaux marines de surface. Lors des crues, cette influence s’étend de manière visible jusqu’au récif et peut durer 24 à 48 h. Les effets de ces perturbations sur les communautés microbiennes restent significatifs après 6 jours. Parmi ces apports, le manganèse, métal impliqué dans le processus de photosynthèse pourrait favoriser la présence de certaines microalgues dans les baies après le passage d’un évènement pluvieux. Nos travaux montrent que la résilience du système est toutefois fonction du paramètre que l’on observe. Une approche multiparamétrique est donc nécessaire si on souhaite comprendre l’influence des bassins versants sur l’écosystème lagonaire. Elle est aussi nécessaire dans le cadre de la mise en place d’un observatoire.
Mot-clé(s)
Continuum terre – mer, activités anthropiques, Nouvelle-Calédonie, bassins versants ultrabasiques, apports fluviatiles, cyclones, dépressions tropicales, rivières, estuaires, Physico-chimie, Matière organique, Métaux, Sels Nutritifs, ADNe, Communautés microbiennes, Protistes, Bactéries
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Version officielle éditeur | 83 | 7 Mo |